Nous arrivons sur l'île d'Aiaiè, c'est là qu'habite Circé aux beaux cheveux, terrible déesse à la voix humaine, sœur d'Aiétès1 aux cruelles pensées. Et tous deux sont nés d'Hélios qui éclaire les hommes, et leur mère est Persée, la nymphe océanide. […]
Mes compagnons trouvent, dans une vallée, en un lieu découvert, les demeures de Circé, construites en pierres polies. [...] Ils entendent Circé chantant d'une belle voix dans sa demeure et tissant une grande toile divine, telle que sont les ouvrages légers, gracieux et brillants des déesses. Alors Polytès, chef des hommes, le plus cher de mes compagnons, et que j'honore le plus, parle le premier :
« Ô amis, quelqu'un, tissant une grande toile, chante d'une belle voix dans cette demeure, et tout le mur en résonne. Est-ce une déesse ou une mortelle ? Allons ! Crions sans plus tarder. »
Il les persuade ainsi et ils appellent en criant. Circé sort aussitôt, puis, ouvrant les belles portes, les invite. Tous la suivent imprudemment. Euryloque reste seul dehors, ayant soupçonné une embûche. Circé, ayant fait entrer mes compagnons, les fait asseoir sur des sièges et sur des trônes. Elle mêle, avec du vin de Pramnios, du fromage, de la farine et du miel doux ; mais elle ajoute au mélange une drogue funeste afin de leur faire oublier tout souvenir de la patrie. Elle leur apporte la coupe et ils boivent d'un seul trait. Aussitôt, elle les frappe d'une baguette et les enferme dans les étables à porcs. Ils avaient la tête, la voix, le corps et les soies2 du porc, mais leur esprit était le même qu'auparavant. Ils pleurent, ainsi enfermés ; Circé leur donne du gland de chêne et du fruit de cornouiller à manger, pâture ordinaire des porcs qui couchent sur le sol.
Aiétès est le roi qui garde la Toison d'or..