Gornemant a compris que, malgré son manque de connaissances, Perceval mérite de devenir chevalier. Il décide de l'adouber.
Au petit matin, le seigneur se leva et rejoignit le jeune homme dans sa chambre. Il lui fit apporter une chemise et des braies de fine toile de lin, des chausses teintes en rouge et une cotte de soie violette, tissée en Inde1. […]
Le seigneur se courba pour lui chausser l'éperon droit : c'était alors la coutume lorsqu'on adoubait un chevalier. Chacun2 voulut lui donner une pièce de son armement. Gornemant enfin prit l'épée, il la lui ceignit3 en lui donnant l'accolade4 :
– Avec l'épée, je te confère l'ordre de chevalerie, l'ordre le plus élevé que Dieu ait créé, un ordre qui n'admet aucune bassesse.
Puis il ajouta ces paroles, pour l'instruire de ses devoirs :
– Cher frère, souviens-toi bien de ceci : si tu as le dessus dans un combat avec un chevalier et si ton adversaire implore sa grâce, surtout, ne le tue pas : épargne-le ! Garde-toi aussi d'être trop bavard : celui qui ne sait pas tenir sa langue finit toujours par dire quelque chose de blâmable. S'il t'arrive en chemin de trouver quelqu'un dans la détresse, homme ou femme, dame ou demoiselle, viens-lui en aide, tu feras bien. Une dernière chose enfin, mais très importante : entre souvent dans les églises pour prier Dieu le Créateur, afin qu'il ait pitié de ton âme et qu'il te protège en ce monde comme son fidèle chrétien.
– Soyez béni, seigneur, car vous m'avez dit exactement les mêmes choses que ma mère5.
1. Par la qualité du tissage et leur teinture, tous ces vêtements sont luxueux.
2. Chacun des chevaliers présents dans le château de Gornemant.
3. Du verbe ceindre, passer autour des hanches (penser à ceinture).
4. « Fait de rapprocher les cous » (cols) : prendre dans ses bras.
5. En laissant Perceval partir, sa mère lui a donné quelques recommandations.