Vous avez traversé le Ghana, le Burkina Faso, le Niger,
la Libye, l'Algérie, le Maroc, avant d'arriver en Espagne.
Qu'est‑ce qui a été le plus difficile sur cette route ?
Tout. Tout au long de ce voyage, j'ai vu des êtres
humains, attirés par l'appât du gain, maltraiter d'autres
êtres humains. J'étais à leur merci, tout le temps. À
Agadès, au Niger, les passeurs nous chargeaient comme
du bétail dans le pick‑up. [...] Si quelqu'un meurt pendant le trajet, on s'arrête et on l'enterre dans le sable.
On nous a donné dix litres d'eau pour une étape du
trajet qui peut durer trois jours comme trois mois.
Sur notre chemin, nous avons croisé un groupe de
migrants à pied. Ils erraient là en plein désert. Ils sont
sûrement morts.
[...] En 2012, je me suis retrouvé dans une prison à
Gatron à la frontière avec le Niger [...].
Après ce camp, après avoir vécu le racisme à Tripoli,
vous arrivez à atteindre l'Algérie. Là aussi, vous atterrissez
dans un camp de migrants tout aussi sordide...
À Maghnia, à la frontière entre le Maroc et l'Algérie,
il y ce camp que j'appelle un « trou ». [...] Nous étions
des milliers. Tu parles à n'importe quel migrant de
Maghnia, on va te dire « c'est l'enfer total ! » [...]. Comment est‑ce possible ? Pourquoi l'État ne fait rien ?
Pourquoi on n'en parle pas ?
Vous avez survécu ensuite à la traversée en Méditerranée.
Les passeurs nous ont pris 1 200 euros chacun pour
la traversée. D'autres ont payé 2 500 euros parce qu'on
leur a fait croire qu'ils allaient monter dans un vrai
bateau. On est partis à 5 heures du matin de Nador.
On nous avait affirmé qu'on serait en Espagne en
45 minutes.