Désormais nous voyons s'épanouir les roses,
La vigueur du printemps reverdit toutes choses,
Le ciel en est plus gai, les jours en sont plus beaux,
L'aurore en s'habillant écoute les oiseaux ;
Les animaux des champs, qu'aucun souci n'outrage,
Sentent renouveler et leur sang et leur âge.
Et, suivant leur nature et l'appétit des sens,
Cultivent sans remords des plaisirs innocents.
Moi seul, dans la saison où chacun se contente,
Accablé des douleurs d'une cruelle attente,
Languis sans réconfort, et tout seul dans l'hiver
Ne vois point de printemps qui me puisse arriver.
Seul je vois les forêts encore désolées,
Les parterres déserts, les rivières gelées,
Et, comme ensorcelé, ne puis goûter le fruit
Qu'à la faveur de tous cette saison produit.
Mais, lorsque le soleil adoré de mon âme
Du feu de ses rayons réchauffera ma flamme,
Mon printemps reviendra, mais mille fois plus beau
Que n'en donne aux mortels le céleste flambeau.
Si jamais le destin permet que je la voie,
Plus que tous les mortels tout seul j'aurai de joie.