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Repères - Histoire
Partie 1 • Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle
L’épopée antique et la chanson de geste
La fin’amor et les romans de chevalerie
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L’humanisme à la Renaissance
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Partie 3 • Le théâtre du XVIIe au XXIe siècle
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Le théâtre au siècle des Lumières
Le drame romantique et le théâtre de boulevard
Les réécritures des mythes antiques
Du théâtre de la cruauté au théâtre de l’absurde
Le théâtre engagé
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Partie 4 • La poésie du XIXe au XXIe siècle
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Chapitre 1.11
Texte 3

Nathalie Sarraute, « disent les imbéciles » (1976)

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Texte

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Crédits : Lelivrescolaire.fr

Le début du roman nous plonge dans l'intimité d'une famille : une grandmère entourée des siens.

De leurs lèvres à peine entrouvertes c'est sorti… un murmure, un à peine perceptible chuchotement... – Son menton s'allonge, oui, j'en ai peur, il aura un menton en galoche.. – Ah, comme l'oncle François… et ils se sont tus… Un regard, un signe échangé entre eux a dû les mettre en garde, les inciter à la prudence… Ils l'ont enveloppé de nouveau de silence, ils l'ont coiffé de nouveau du bonnet magique qui lui donne la sensation de ne pas être vu, comme si à la place de son corps, de son visage, il y avait un vide que leurs regards traversent, où rien ne les arrête… rien venant de lui n'atteint, ne trouble la surface calme, opaque de leurs yeux.

« Son »… Ils regardent, ils observent, placés à bonne distance, une forme qu'il ne peut pas voir, où il est enfermé, enserré, circonscrit, délimité, séparé, désigné par ce mot qu'ils appliquent sur lui : son.

De ce qu'ils voient quelque chose s'est détaché, quelque chose de dur, de percutant, un météorite qui a atterri en eux, s'est enfoncé, produisant ce crépitement, ce sifflement… « Son menton s'allonge… Un menton en galoche… »

Sur cette tête dont il est affublé maintenant, sur ce visage qu'il a et qui s'étale, comme leurs visages, sous tous les yeux, ça s'avance, ça s'allonge, un menton auquel le mot « galoche » est venu se coller… galoche, valoche, oche… la terminaison répugnante, molle, vautrée, adhère, leste, pèse, gonfle, étire, tire toujours plus bas, et à l'aide du g… galoche… relève hideusement le bout enflé… Impossible de l'arrêter, de le comprimer, ça pousse, ça va grossir toujours plus fort… un lourd appendice charnu…

Insoutenable, impossible… Ça ne peut pas m'arriver, pas à moi, n'est-ce pas ? Ce n'est pas vrai… Dis-moi, est-ce vrai, ce que j'ai entendu ? Ils l'ont chuchoté, et puis ils se sont retenus… – Qu'a-t-il entendu mon petit fou ? Quoi donc, dis-moi… Il cache son visage dans les plis de sa jupe… – Oh quelque chose d'horrible… Je serai hideux… […] – Mais où as-tu été chercher ça ? Tu n'as pas pu l'entendre, tu t'es sûrement fait des idées… Je ne devrais pas te le dire, ce ne sont pas des choses qu'on dit à un enfant… Mais tu es plutôt joli, mon petit lapin, je t'assure tout le monde me le dit… Tu as plutôt de beaux traits bien réguliers… – Réguliers ? Réguliers ? Vraiment ?… Ré-gu-liers… chaque syllabe nette, brève, légère, aucune plus lourde que les autres ne peut tirer, traîner… cela frappe discrètement, juste des petits coups légers, et s'arrête… Ré-guliers. Rien de mou, de vautré, de charnu, de pendant, rien qui enfle, épaissit… Rien qui dépasse, qui tire l'oeil, par quoi il puisse être accroché et amené à s'étaler tout entier, comme cela arrive aux autres, sous les yeux. Mais chez lui tout est régulier. En règle. En ordre. Conforme aux exigences. Aux lois. Il n'y a rien à dire. Rien à en dire.
© Éditions Gallimard.
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Doc. 

Placeholder pour Alice n'est plus ici, de Martin ScorseseAlice n'est plus ici, de Martin Scorsese
Alice n'est plus ici, de Martin Scorsese, 1974, avec Ellen Burstyn (Alice) et Alfred Lutter (Tommy).
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Éclairage

[L]e travail de Nathalie Sarraute est une lutte avec les mots, les plus banals d'entre eux soulevant des vagues troubles qui charrient d'inavouables arrière-pensées, d'indicibles angoisses. Cerner à quel point les mots se défilent (ils ne permettent pas d'exprimer exactement ce que l'on ressent) en même temps que, d'une autre façon, ils nous échappent (puisqu'ils peuvent provoquer chez l'autre des réactions inattendues) est la matière littéraire que Nathalie Sarraute n'a jamais cessé de creuser.
Hélène Gaudreau
« La matière romanesque de Nathalie Sarraute », Nuit blanche, 1999.
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Questions

1. Comment cet extrait montre-t-il la puissance du langage ?

2.
Grammaire
Analysez les subordonnées relatives dans le passage souligné .
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