1 – Les poètes déclarent : Ni orpheline, ni sans effets, aucune douleur n'a
de frontières !
2 – Les poètes déclarent que dans l'indéfini de l'univers se tient l'énigme de
notre monde, que dans cette énigme se tient le mystère du vivant, que dans ce
mystère palpite la poésie des hommes : pas un ne saurait se voir dépossédé de
l'autre !
3 – Les poètes déclarent que l'accomplissement mutuel de l'univers, de la
planète, du vivant et des hommes ne peut s'envisager que dans une horizontale
plénitude du vivant – cette manière d'être au monde par laquelle l'humanité
cesse d'être une menace pour elle‑même. Et pour ce qui existe…
4 – Les poètes déclarent que par le règne de la puissance actuelle, sous le fer
de cette gloire, ont surgi les défis qui menacent notre existence sur cette planète ;
que, dès lors, tout ce qu'il existe de sensible, de vivant ou d'humain en dessous
de notre ciel a le droit, le devoir, de s'en écarter et de concourir d'une manière
très humaine, ou d'une autre encore bien plus humaine, à sa disparition.
5 – Les poètes déclarent qu'aller‑venir et dévirer1 de par les rives du monde
sont un Droit poétique, c'est‑à‑dire : une décence qui s'élève de tous les Droits
connus visant à protéger le plus précieux de nos humanités ; qu'aller‑venir et
dévirer sont un hommage offert à ceux vers qui l'on va, à ceux chez qui l'on
passe, et que c'est une célébration de l'histoire humaine que d'honorer la terre
entière de ses élans et de ses rêves. Chacun peut décider de vivre cette célébration.
Chacun peut se voir un jour acculé à la vivre ou bien à la revivre. Et chacun,
dans sa force d'agir, sa puissance d'exister, se doit d'en prendre le plus grand soin.
[…]
16 – Frères migrants, qui le monde vivez2, qui le vivez bien avant nous,
frères de nulle part, ô frères déchus, déshabillés, retenus et détenus partout, les
poètes déclarent en votre nom que le vouloir commun contre les forces brutes se
nourrira des infimes impulsions. Que l'effort est en chacun dans l'ordinaire du
quotidien. Que le combat de chacun est le combat de tous. Que le bonheur de
tous clignote dans l'effort et la grâce de chacun, jusqu'à nous dessiner un monde
où ce qui verse et se déverse par‑dessus les frontières se transforme là même,
de part et d'autre des murs et de toutes les barrières, en cent fois cent fois cent
millions de lucioles ! – une seule pour maintenir l'espoir à la portée de tous, les
autres pour garantir l'ampleur de cette beauté contre les forces contraires.
Terme de marine : faire tourner en sens inverse, faire aller en sens contraire.
Allusion à un célèbre poème de François Villon : « Frères humains, qui après nous vivez » (1461).
Lisez‑le
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