Alors qu'il vient de quitter le bal avec ses amis, Roméo leur fausse compagnie et saute le mur du jardin des Capulet pour essayer d'apercevoir Juliette à travers les fenêtres. Par chance, cette dernière sort de sa chambre sur son balcon. Cette scène, dite « du balcon », est extrêmement célèbre.
Le jardin des Capulet.
Sous les fenêtres de l'appartement de Juliette.
Entre Roméo. […]
JULIETTE. – Hélas !
ROMÉO, à part. – Elle parle ! Oh ! Parle encore, ange resplendissant ! Car tu rayonnes dans cette nuit, au-dessus de ma tête, comme le messager ailé du ciel1, quand, aux yeux bouleversés des mortels qui se rejettent en arrière pour le contempler, il devance les nuées paresseuses et vogue sur le sein des airs !
JULIETTE. – Ô Roméo ! Roméo ! pourquoi es-tu Roméo ? Renie ton père et abdique2 ton nom ; ou, si tu ne le veux pas, jure de m'aimer, et je ne serai plus une Capulet.
ROMÉO, à part. – Dois-je l'écouter encore ou lui répondre ?
JULIETTE. – Ton nom seul est mon ennemi. Tu n'es pas un Montague3, tu es toi-même. Qu'est-ce qu'un Montague ? Ce n'est ni une main, ni un pied, ni un bras, ni un visage, ni rien qui fasse partie d'un homme… Oh ! sois quelque autre nom ! Qu'y a-t-il dans un nom ? Ce que nous appelons une rose embaumerait autant sous un autre nom. Ainsi, quand Roméo ne s'appellerait plus Roméo, il conserverait encore les chères perfections qu'il possède… Roméo, renonce à ton nom ; et, à la place de ce nom qui ne fait pas partie de toi, prends-moi tout entière.
ROMÉO. – Je te prends au mot ! Appelle-moi seulement ton amour et je reçois un nouveau baptême4 : désormais je ne suis plus Roméo.
JULIETTE. – Quel homme es-tu, toi qui, ainsi caché par la nuit, viens de te heurter à mon secret ?
ROMÉO. – Je ne sais par quel nom t'indiquer qui je suis. Mon nom, sainte chérie, m'est odieux à moi-même, parce qu'il est pour toi un ennemi : si je l'avais écrit là, j'en déchirerais les lettres.
JULIETTE. – Mon oreille n'a pas encore aspiré cent paroles proférées5 par cette voix, et pourtant j'en reconnais le son. N'es-tu pas Roméo et un Montague ?
ROMÉO. – Ni l'un ni l'autre, belle vierge, si tu détestes l'un et l'autre.
[Après un long dialogue amoureux, Juliette souhaite une bonne nuit à Roméo]
ROMÉO. – Oh ! vas-tu donc me laisser si peu satisfait ?
JULIETTE. – Quelle satisfaction peux-tu obtenir cette nuit ?
ROMÉO. – Le solennel6 échange de ton amour contre le mien.
JULIETTE. – Mon amour ! je te l'ai donné avant que tu l'aies demandé. Et pourtant je voudrais qu'il fût encore à donner.
ROMÉO. – Voudrais-tu me le retirer ? Et pour quelle raison, mon amour ?
JULIETTE. – Rien que pour être généreuse et te le donner encore. […] Si l'intention de ton amour est honorable7, si ton but est le mariage, fais-moi savoir demain, par la personne que je ferai parvenir jusqu'à toi, en quel lieu et à quel moment tu veux accomplir la cérémonie, et alors je déposerai à tes pieds toutes mes destinées8, et je te suivrai, monseigneur, jusqu'au bout du monde !
LA NOURRICE, derrière le théâtre. – Madame !
Mercure, dieu romain, messager des dieux.
Renonce à ton nom.
Le traducteur garde l'orthographe anglaise. Dans les traductions récentes de la pièce, on écrit Montaigu, car c'est ainsi que se prononce Montague en anglais.
Je change de nom.
Prononcées.
Sérieux.
Honnête, respectueuse.
Je lierai mon destin au tien.