Autrefois, quand Antoinette était plus petite, sa mère l'avait
prise souvent sur ses genoux, contre son cœur, caressée et
embrassée. Mais cela Antoinette l'avait oublié. Tandis qu'elle
avait gardé au plus profond d'elle-même le son, les éclats
d'une voix irritée passant par-dessus sa tête, « cette petite qui
est toujours dans mes jambes... », « tu as encore taché ma robe
avec tes sales souliers ! file au coin, ça t'apprendra, tu m'as
entendue ? petite imbécile ! » et un jour... pour la première
fois, ce jour-là elle avait désiré mourir... au coin d'une rue,
pendant une scène, cette phrase emportée, criée si fort que
des passants s'étaient retournés : « Tu veux une gifle ? Oui ? »
et la brûlure d'un soufflet1... En pleine rue... Elle avait onze
ans, elle était grande pour son âge... Les passants, les grandes
personnes, cela, ce n'était rien... Mais, au même instant, des
garçons sortaient de l'école et ils avaient ri en la regardant [...].
« Tu n'as pas fini de pleurnicher ?... Oh, quel caractère !... Quand
je te corrige2, c'est pour ton bien, n'est-ce pas ? Ah ! et puis, ne
recommence pas à m'énerver, je te conseille... »
1. Gifle.
2. Quand je te frappe.