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Chapitre 1.12
Texte 4

Marguerite Yourcenar, Mémoires d'Hadrien (1951)

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Texte

Audio

Crédits : Lelivrescolaire.fr

Dans ces Mémoires fictifs, Marguerite Yourcenar imagine la longue lettre que l'empereur Hadrien adresse à Marc, son petit-fils adoptif et successeur, avant de mourir.

La vérité que j'entends exposer ici n'est pas particulièrement scandaleuse, ou ne l'est qu'au degré où toute vérité fait scandale. Je ne m'attends pas à ce que tes dix‑sept ans y comprennent quelque chose. Je tiens pourtant à t'instruire, à te choquer aussi. Tes précepteurs, que j'ai choisis moi‑même, t'ont donné cette éducation sévère, surveillée, trop protégée peut‑être, dont j'espère somme toute un grand bien pour toi‑même et pour l'État. Je t'offre ici comme correctif un récit dépourvu d'idées préconçues et de principes abstraits, tiré de l'expérience d'un seul homme qui est moi‑même. J'ignore à quelles conclusions ce récit m'entraînera. Je compte sur cet examen des faits pour me définir, me juger peut‑être, ou tout au moins pour me mieux connaître avant de mourir.

Comme tout le monde, je n'ai à mon service que trois moyens d'évaluer l'existence humaine : l'étude de soi, la plus difficile et la plus dangereuse, mais aussi la plus féconde des méthodes ; l'observation des hommes, qui s'arrangent le plus souvent pour nous cacher leurs secrets ou pour nous faire croire qu'ils en ont ; les livres, avec les erreurs particulières de perspective qui naissent entre leurs lignes. […]

L'observation directe des hommes est une méthode moins complète encore, bornée le plus souvent aux constatations assez basses dont se repaît1 la malveillance humaine. Le rang, la position, tous nos hasards, restreignent le champ de vision du connaisseur d'hommes : mon esclave a pour m'observer des facilités complètement différentes de celles que j'ai pour l'observer lui‑même ; elles sont aussi courtes que les miennes. Le vieil Euphorion2 me présente depuis vingt ans mon flacon d'huile et mon éponge, mais ma connaissance de lui s'arrête à son service, et celle qu'il a de moi à mon bain, et toute tentative pour s'informer davantage fait vite, à l'empereur comme à l'esclave, l'effet d'une indiscrétion. Presque tout ce que nous savons d'autrui est de seconde main. […]

Quant à l'observation de moi‑même, je m'y oblige, ne fût‑ce que pour entrer en composition avec cet individu auprès de qui je serai jusqu'au bout forcé de vivre, mais une familiarité de près de soixante ans comporte encore bien des chances d'erreur. Au plus profond, ma connaissance de moi‑même est obscure, intérieure, informulée, secrète comme une complicité. Au plus impersonnel, elle est aussi glacée que les théories que je puis élaborer sur les nombres : j'emploie ce que j'ai d'intelligence à voir de loin et de plus haut ma vie, qui devient alors la vie d'un autre. Mais ces deux procédés de connaissance sont difficiles, et demandent, l'un une descente en soi, l'autre, une sortie hors de soi‑même.
© Éditions Gallimard.
1. Dans laquelle trouve satisfaction.
2. C'est le nom de son esclave.
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Éclairage

"J'avais choisi pour faire parler Hadrien le genre togé (oratio togata) […], cette catégorie du style soutenu, mi‑narratif, mi‑méditatif, mais toujours essentiellement écrit, d'où l'impression et la sensation immédiates sont à peu près exclues […]. Le style togé conservait à l'empereur la dignité sans laquelle nous n'imaginons pas l'antique, à tort certes, et pourtant avec une ombre de raison, puisque la dignité a été jusqu'au bout l'idéal de l'homme de l'Antiquité : César mourant arrangeait les plis de sa toge."
Marguerite Yourcenar
« Ton et langage dans le roman historique », Le temps, ce grand sculpteur, 1972.
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Questions

1. En quoi cette lettre testamentaire propose‑t‑elle une méthode de connaissance du genre humain ?

2.
Grammaire
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