L'extrait suivant correspond à la fin de la pièce.
Tu n'es plus un spectateur.
J'aimerais que tu sois là demain à la barrière Saint
Jacques. Et si cette nuit tu as du mal à t'endormir, pense
que tout à l'heure, quand j'aurai fini de parler, quand tu
m'auras quitté, je resterai seul à attendre, à compter les
respirations, les battements de paupières, les battements de
cœur qui me restent en nombre imaginable et j'arracherai
la paume de mes mains sur les aspérités des murs. [...]
Ils m'enfileront de force la chemise. Ils m'assiéront
sur une chaise et me couperont les cheveux. Alors, je
sentirai le froid des ciseaux sur ma nuque. Mes dents se
mettront à claquer, mon corps à trembler. Ils me traîneront
de couloir en couloir, de portes en portes jusqu'à la
rue, jusqu'à la foule.
Et là je penserai à toi dans la foule et je crierai pour
la seconde fois.
À travers le voile, je chercherai ton visage parmi ceux
des spectateurs, ton visage de hyène parmi les hyènes.
Parce que vous tous serez venus me voir mourir, parce
que pas une voix ne s'élèvera, pas même la tienne. Vous
êtes tous complices. Je veux vous faire mal. Vous rendre
malade de honte. […]
Et je penserai à toi.
Et là je vais perdre connaissance. Alors ils vont me
soigner, me réveiller puisqu'on ne guillotine pas les
inconscients. Et là je vais crier pour la troisième fois.
Et je penserai à toi.
Et puis les tambours vont rouler.
Et je penserai à toi.
Et puis ils vont me porter sur les marches.
Et je penserai à toi.
La planche basculera.
Il y aura ce silence.
Il y aura mes cris dans ce silence.
Je respire.
Je respire.
Enfin je pense à toi.
Et puis.
Et puis.