Le Menteur

Retourner à l'accueil

Rejoignez la communauté !
Co-construisez les ressources dont vous avez besoin et partagez votre expertise pédagogique.
Explications linéaires
Extrait 4

Alfred Jarry, Ubu roi (1896)

acte V, scène 1
Ressource affichée de l'autre côté.
Faites défiler pour voir la suite.

Texte

Lorsque le père Ubu était parti faire la guerre, la mère Ubu avait reçu la régence et volé les trésors du royaume. Alors que le père Ubu est endormi dans une grotte, son épouse essaie de se faire passer pour une apparition. Le père Ubu découvre un peu plus tard la supercherie.

MÈRE UBU, à part. – Profitons de la situation et de la nuit, simulons une apparition surnaturelle et faisons-lui promettre de nous pardonner nos larcins1.
PÈRE UBU. – Mais, par saint Antoine ! on parle. Jambedieu2 ! Je veux être pendu !
MÈRE UBU, grossissant sa voix. – Oui, monsieur Ubu, on parle, en effet, et la trompette de l'archange qui doit tirer les morts de la cendre et de la poussière finale3 ne parlerait pas autrement ! Écoutez cette voix sévère. C'est celle de saint Gabriel4 qui ne peut donner que de bons conseils.
PÈRE UBU. – Oh ! ça, en effet !
MÈRE UBU. – Ne m'interrompez pas ou je me tais et c'en sera fait de votre giborgne5 !
PÈRE UBU. – Ah ! ma gidouille5 ! Je me tais, je ne dis plus mot. Continuez, madame l'Apparition !
MÈRE UBU. – Nous disions, monsieur Ubu, que vous étiez un gros bonhomme !
PÈRE UBU. – Très gros, en effet, ceci est juste.
PÈRE UBU. – Taisez-vous, de par Dieu !
PÈRE UBU. – Oh ! les anges ne jurent pas !
MÈRE UBU, à part. – Merdre6 ! (Continuant.) Vous êtes marié, monsieur Ubu.
PÈRE UBU. – Parfaitement, à la dernière des chipies !
MÈRE UBU. – Vous voulez dire que c'est une femme charmante.
PÈRE UBU. – Une horreur. Elle a des griffes partout, on ne sait par où la prendre.
MÈRE UBU. – Il faut la prendre par la douceur, sire Ubu, et si vous la prenez ainsi vous verrez qu'elle est au moins l'égale de la Vénus de Capoue7.
PÈRE UBU. – Qui dites-vous qui a des poux ?
MÈRE UBU. – Vous n'écoutez pas, monsieur Ubu ; prêtez-nous une oreille plus attentive. (À part.) Mais hâtons-nous, le jour va se lever. Monsieur Ubu, votre femme est adorable et délicieuse, elle n'a pas un seul défaut.
PÈRE UBU. – Vous vous trompez, il n'y a pas un défaut qu'elle ne possède.
MÈRE UBU. – Silence donc ! Votre femme ne vous fait pas d'infidélités !
PÈRE UBU. – Je voudrais bien voir qui pourrait être amoureux d'elle. C'est une harpie8 !
MÈRE UBU. – Elle ne boit pas !
PÈRE UBU. – Depuis que j'ai pris la clé de la cave. Avant, à sept heures du matin elle était ronde9 et elle se parfumait à l'eau-de-vie. Maintenant qu'elle se parfume à l'héliotrope10 elle ne sent pas plus mauvais. Ça m'est égal. Mais maintenant il n'y a plus que moi à être rond ! [...]
MÈRE UBU. – Tout ceci sont des mensonges, votre femme est un modèle et vous quel monstre vous faites !
PÈRE UBU. – Tout ceci sont des vérités, ma femme est une coquine et vous quelle andouille vous faites !
1. Larcins : vols.
2. Jambedieu : juron, néologisme de Jarry.
3. Allusion au jugement dernier.
4. Saint Gabriel : ange qui annonce, dans la Bible, de grandes nouvelles.
5. Giborgne et gidouille : néologismes faisant allusion au ventre rebondi d'Ubu.
6. Merdre : néologisme provocateur de Jarry.
7. Vénus de Capoue : statue romaine du IIe siècle après J.-C.
8. Harpie : méchante femme.
9. Ronde : ivre (familier).
10. Héliotrope : petite fleur odorante.
Ressource affichée de l'autre côté.
Faites défiler pour voir la suite.

Image

Placeholder pour Alfred Jarry, Véritable portrait de Monsieur Ubu, 1896, BnF, Paris.Alfred Jarry, Véritable portrait de Monsieur Ubu, 1896, BnF, Paris.

Alfred Jarry, Véritable portrait de Monsieur Ubu, 1896, BnF, Paris.
Ressource affichée de l'autre côté.
Faites défiler pour voir la suite.

Préparer l'explication linéaire

Ressource affichée de l'autre côté.
Faites défiler pour voir la suite.

Suppléments numériques

  • Retrouvez le texte à imprimer en
  • Retrouvez le texte en format audio.
  • Écoutez l'audio

    Extrait

Ressource affichée de l'autre côté.
Faites défiler pour voir la suite.

Étape 1
Première lecture et repérages

Ressource affichée de l'autre côté.
Faites défiler pour voir la suite.
Question 1

a) Quand et pourquoi le rapport de force entre les personnages s'inverse-t-il ?
b) Identifiez deux mouvements et donnez-leur un titre.
Afficher la correction
Ressource affichée de l'autre côté.
Faites défiler pour voir la suite.

Étape 2
Analyser le texte

Ressource affichée de l'autre côté.
Faites défiler pour voir la suite.
Question 2
Une apparition convaincante
a) Comment la mère Ubu essaie-t-elle de prendre un ton solennel ?
b) Relevez plusieurs niveaux de langue.
c) Comment le père Ubu réagit-il, face à cette apparition, dans la première moitié de la scène ?
d) Cette scène est-elle burlesque ? Justifiez votre réponse.
Afficher la correction
Ressource affichée de l'autre côté.
Faites défiler pour voir la suite.
Question 3
Un portrait comique
a) Par quelles oppositions est présentée la mère Ubu ? Quel en est l'effet produit ?
b) Comment la tension entre les deux personnages est-elle exprimée ?
c) Comment est-elle également tournée en dérision ?
Afficher la correction
Ressource affichée de l'autre côté.
Faites défiler pour voir la suite.

Étape 3
Préparer l'introduction et la conclusion

Ressource affichée de l'autre côté.
Faites défiler pour voir la suite.
Question 4
Introduction
a) Cherchez pourquoi la pièce Ubu roi d'Alfred Jarry a fait scandale.
b) Formulez une problématique qui mettra en valeur le caractère transgressif de la scène.
Afficher la correction
Ressource affichée de l'autre côté.
Faites défiler pour voir la suite.

Préparer la lecture

Écoutez l'extrait lu par des comédien(ne)s.

Entraînez-vous à lire en soulignant les trouvailles langagières.
Cliquez pour accéder à un module d'enregistrement audio
Enregistreur audio
Ressource affichée de l'autre côté.
Faites défiler pour voir la suite.
Question 5
Conclusion
a) En guise de bilan, expliquez les visées du mensonge dans cette scène.
b) Pour nourrir votre ouverture, lisez l'extrait de Hamlet de Shakespeare.
c) Expliquez pourquoi cette scène d'Ubu roi peut apparaître comme une réécriture parodique et burlesque.
Afficher la correction
Ressource affichée de l'autre côté.
Faites défiler pour voir la suite.

Texte numérique

Un espace découvert devant le château. Entre Le Spectre, suivi d'Hamlet.

Hamlet
Où me conduis-tu ?
Parle, je n'irai pas plus loin.

Le Spectre
Écoute-moi.

Hamlet
Oui, je veux t'écouter.

Le Spectre
L'heure est presque venue
Où je dois retourner
Aux flammes sulfureuses torturantes.

Hamlet
Hélas ! pauvre ombre !

Le Spectre
Ne me plains pas, mais attentivement, écoute
Ce que je vais te révéler.

Hamlet
Parle, je suis prêt à entendre.

Le Spectre
Et à venger, quand tu auras entendu ?

Hamlet
À venger ?

Le Spectre
Je suis l'esprit de ton père,
Condamné pour un temps à errer, de nuit,
Et à jeûner le jour dans la prison des flammes
Tant que les noires fautes de ma vie
Ne seront pas consumées. Si je n'étais astreint
À ne pas dévoiler les secrets de ma geôle,
Je pourrais te faire un récit dont le moindre mot
Déchirerait ton âme, glacerait
Ton jeune sang, arracherait tes yeux comme deux étoiles
À leur orbite, et déferait tes boucles et tes tresses,
Dressant séparément chaque cheveu
Comme un piquant de l'inquiet porc-épic.
Mais le savoir de l'Éternel est refusé
Aux oreilles de chair et sang. Écoute, écoute, écoute !
Si jamais tu aimas ton tendre père…

Hamlet
Ô Dieu !

Le Spectre
Venge son meurtre horrible et monstrueux.

Hamlet
Son meurtre !

Le Spectre
Un meurtre horrible ainsi qu'est toujours le meurtre,
Mais celui-ci horrible, étrange et monstrueux.

Hamlet
Vite, instruis-moi. Et d'une aile aussi prompte
Que l'intuition ou la pensée d'amour
Je vole te venger.

Le Spectre
Je vois que tu es prêt.
Et tu serais plus inerte que l'herbe grasse
Qui pourrit sur les rives molles du Léthé
Si mon récit ne t'émouvait pas : écoute, Hamlet,
On a dit que, dormant dans mon verger,
Un serpent me piqua. Et tout le Danemark
Est ainsi abusé, grossièrement,
Par cette relation, menteuse. Mais, sache-le,
Toi qui es jeune et qui es noble, sache-le :
Le serpent dont le dard tua ton père
Porte aujourd'hui sa couronne.

Hamlet
Ô mon âme prophétique !
Mon oncle ?

Le Spectre
Oui, cette bête incestueuse, adultère,
Par ses ruses ensorcelées, ses cadeaux perfides
– Oh ! que pervers ils sont, cadeaux et ruses
Qui ont eu ce pouvoir de séduire ! – a gagné
À sa lubricité honteuse les désirs
De ma reine, qui affectait tant de vertu.
William Shakespeare
acte I , scène 5, 1603, trad. Yves Bonnefoy, © Éditions Gallimard, 2016.
Ressource affichée de l'autre côté.
Faites défiler pour voir la suite.

Traiter la question de grammaire

Ressource affichée de l'autre côté.
Faites défiler pour voir la suite.
Question 6

Analysez la négation dans le passage surligné.
Afficher la correction

Une erreur sur la page ? Une idée à proposer ?

Nos manuels sont collaboratifs, n'hésitez pas à nous en faire part.

j'ai une idée !

Oups, une coquille

Utilisation des cookies
Lors de votre navigation sur ce site, des cookies nécessaires au bon fonctionnement et exemptés de consentement sont déposés.