Cent ans [après la fin de l'esclavage], le Noir n'est toujours pas libre. Cent ans plus tard, la vie du Noir est encore terriblement handicapée par les menottes de la ségrégation et les chaînes de la discrimination. Cent ans plus tard, le Noir vit à l'écart sur son îlot de pauvreté au milieu d'un vaste océan de prospérité matérielle. Cent ans plus tard, le Noir languit encore dans les coins de la société américaine et se trouve exilé dans son propre pays.
C'est pourquoi nous sommes venus ici aujourd'hui dénoncer une condition humaine honteuse. [...] 1963 n'est pas une fin, c'est un commencement. [...] Il n'y aura ni repos ni tranquillité en Amérique jusqu'à ce qu'on ait accordé au peuple noir ses droits de citoyen. Les tourbillons de la révolte ne cesseront d'ébranler les fondations de notre nation jusqu'à ce que le jour éclatant de la justice apparaisse.
[...] Le merveilleux esprit militant qui a saisi la communauté noire
ne doit pas nous entraîner vers la méfiance de tous les Blancs, car
beaucoup de nos frères blancs, leur présence ici aujourd'hui en est la
preuve, ont compris que leur destinée est liée à la nôtre. L'assaut que
nous avons monté ensemble pour emporter les remparts de l'injustice
doit être mené par une armée bi-raciale. Nous ne pouvons marcher tout seul au combat. Et au cours de notre progression il faut nous engager à continuer d'aller de l'avant ensemble. Nous ne pouvons pas revenir en arrière.
[...] J'ai fait un rêve ! Je rêve que, un jour, notre pays se lèvera et vivra pleinement la véritable réalité de son credo : « Nous tenons ces vérités pour évidentes par elles‑mêmes que tous les hommes sont créés égaux ». Je rêve qu'un jour sur les collines rousses de Géorgie les fils d'anciens esclaves et ceux d'anciens propriétaires d'esclaves pourront s'asseoir ensemble à la table de la fraternité. Je rêve qu'un jour, même l'État du Mississippi, un État où brûlent les feux de l'injustice et de l'oppression, sera transformé en un oasis de liberté et de justice. Je rêve que mes quatre petits‑enfants vivront un jour dans une nation où ils ne seront pas jugés sur la couleur de leur peau, mais sur la valeur de leur caractère. Je fais aujourd'hui un rêve !