[La demi-sœur d'Émilie, Éliante, était] une fille de bon sens,
qui aimait véritablement Émilie, et qui ne pouvait souffrir que
les flatteurs empoisonnassent son heureux naturel1. Éliante
n'était pas riche, [Émilie, qui] avait le cœur bon, ne la laissait
manquer de rien ; elle l'avait même priée de venir demeurer
avec elle. Les deux sœurs ne s'accommodèrent pas longtemps :
cette Éliante était trop sincère pour conserver les bonnes grâces
d'une personne à laquelle il ne fallait dire que ce qui lui plaisait.
Faites comme nous, disaient à Éliante les parents et les amis
d'Émilie ; flattez votre sœur, puisque vous avez besoin d'elle, et
que vous êtes sûre d'en tirer par-là tout ce que vous voudrez ;
elle est assez sotte pour se croire parfaite, à la bonne heure ;
sa folie ne fait mal qu'à elle : ayez la complaisance de vous y
conformer.
J'en serais bien fâchée, répondit Éliante. J'aime trop ma
sœur pour achever de la gâter. Cette bonne fille continuait donc
à avertir Émilie de ses défauts ; ce qui impatienta si fort cette
dernière, qu'après l'avoir beaucoup maltraitée, elle la chassa
de la maison.
Qui n'acceptait pas que les flatteurs empoisonnent son caractère naturellement bon.