La poésie de la Résistance se développe
pendant la Seconde Guerre mondiale. La négritude nait
dans les années 1930 et se déploie jusqu'aux années
1980, bien après les indépendances des années 1960.
La créolité nait en 1989 avec la publication de L'Éloge
de la créolité par Chamoiseau, Bernabé et Confiant.
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La Résistance et les guerres de décolonisation
Pendant la Seconde Guerre mondiale, de nombreux poètes
se mobilisent au sein de la Résistance. Certains comme Paul
Éluard publient clandestinement des textes afin d'encourager
les résistant(e)s et de glorifier les héros et héroïnes.
Leur engagement poétique se double souvent d'un engagement
sur le terrain. Ainsi, les Feuillets d'Hypnos de
René Char montrent le poète au combat : choisissant une
forme resserrée qui témoigne de l'urgence de l'écriture, le
poète présente son recueil sous la forme d'un journal poétique
de la Résistance.
La poésie de la Résistance vise à dénoncer les exactions commises
par les ennemis, mais aussi à témoigner des actions
héroïques afin de les inscrire dans l'Histoire : elle prend alors
une valeur testimoniale.
L'écriture sous l'Occupation témoigne également de la résistance
de la pensée : écrite en français, elle devient symbole
de la survivance de la nation. Les poètes s'adressent souvent
à la France, personnifiée.
Certains textes ont été diffusés clandestinement sous l'Occupation,
mais la majorité des poèmes écrits pendant la guerre
sont rassemblés en recueils et publiés à la Libération. La
publication de ces textes, liés à des traumatismes, nécessite
parfois plus de temps. Charlotte Delbo mettra plus de vingt ans à faire paraitre ses poèmes témoignant des camps de
concentration.
Doc. 1
Aldo Renato Guttuso, Le Triomphe de la guerre
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Aldo Renato Guttuso, Le Triomphe de la guerre, 1966, huile
sur toile, collection privée.
Supplément numérique
Découvrez des textes complémentaires pour réfléchir à la notion d'engagement en littérature :
Texte complémentaire A
L'écrivain est en situation dans son époque : chaque parole a des retentissements. Chaque silence aussi. Je tiens Flaubert et Goncourt pour responsables de la répression qui suivit la Commune parce qu'ils n'ont pas écrit une ligne pour l'empêcher. Ce n'était pas leur affaire, dira‑t‑on. Mais le procès de Calas, était‑ce l'affaire de Voltaire ? La condamnation de Dreyfus, était‑ce l'affaire de Zola ? L'administration du Congo, était‑ce l'affaire de Gide ? Chacun de ces auteurs, en une circonstance particulière de sa vie, a mesuré sa responsabilité d'écrivain.
Jean‑Paul Sartre
Situations II, 1948.
Texte complémentaire B
Pas un de ces « poèmes » ne dépasse le niveau lyrique de la publicité pharmaceutique, et ce n'est pas un hasard si leurs auteurs ont cru devoir, en leur immense majorité, revenir à la rime et à l'alexandrin classique. [...] Apollinaire avait voulu considérer la guerre comme un sujet poétique. Mais si la guerre, en tant que combat et dégagée de tout esprit nationaliste, peut à la rigueur demeurer un sujet poétique, il n'en est pas de même d'un mot d'ordre nationaliste [...]. L'expulsion de l'oppresseur et la propagande en ce sens sont du ressort de l'action politique, sociale ou militaire. [...] En définitive, l'honneur de ces « poètes » consiste à cesser d'être des poètes pour devenir des agents de publicité.
Benjamin Péret
Le Déshonneur des poètes, 1945.
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De la négritude à la créolité
Paulette Nardal, longtemps oubliée, est aujourd'hui reconnue
comme l'inspiratrice de la négritude. Première étudiante
noire à la Sorbonne, elle organise chez elle un salon littéraire,
fréquenté par Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor.
Elle cherche ainsi à réunir la diaspora noire pour défendre la
culture noire et promouvoir l'émancipation des femmes. Elle
fonde La Revue du monde noir en 1931.
Le terme « négritude » apparait en 1935 dans un article de
Césaire publié dans la revue L'Étudiant noir. Elle est théorisée
par Aimé Césaire (martiniquais), Léopold Sédar Senghor
(sénégalais) et Léon‑Gontran Damas (guyanais).
Retournant l'insulte « nègre » en la valorisant, la négritude
vise à réhabiliter la culture noire, méconnue et dénigrée par
la France coloniale. Pour Césaire, il s'agit avant tout d'un instrument
politique, destiné à lutter contre la colonisation.
Pour Senghor, elle doit rassembler les cultures noires d'un
héritage africain commun.
À la fin des années 1980, le linguiste Bernabé et les écrivains
Chamoiseau et Confiant créent le mouvement de la créolité,
qui vise à reconnaitre les spécificités de l'expérience des
peuples créoles, fruits d'une histoire de mixité culturelle.
Texte A
Aimé Césaire, Discours sur la Négritude
[L]a Négritude au premier degré peut se définir d'abord
comme prise de conscience de la différence, comme
mémoire, comme fidélité et comme solidarité.
Mais la Négritude n'est pas seulement passive.
Elle n'est pas de l'ordre du pâtir et du subir. […]
La Négritude résulte d'une attitude active et offensive
de l'esprit.
Elle est sursaut, et sursaut de dignité.
Elle est refus, je veux dire refus de l'oppression.
Elle est combat, c'est‑à‑dire combat contre l'inégalité.
Elle est aussi révolte. […] La Négritude a été une révolte
contre ce que j'appellerai le réductionnisme européen.
Aimé Césaire
Discours sur la Négritude,
Éditions Présence africaine, 1987.