Peuple mort, peuple muet,
peuple muré, peuple affamé,
avec un gros poids de pierre sur la tête
et sur le cœur ;
Peuple des rues, peuple des champs,
et des files des boutiques,
qui piétine le ventre vide, dans le maigre froid ;
Peuple du métro de tous les jours,
avec ses chaussures de bois,
et son livre qu'il lit, comme on s'évade
par une fenêtre ouverte, un jour de printemps.
Peuple français, peuple roumain,
peuple bulgare, peuple grec,
peuple serbe, et toi, peuple allemand,
quand le temps sera-t-il venu ?
La liberté n'a-t-elle plus de nom
elle qui chaque matin était plus belle,
comme une femme qu'on aime
est plus jeune chaque matin.
La liberté qui faisait crouler les châteaux1
et qui faisait lever les faux,
et battre les fausses justices,
la liberté n'a-t-elle plus de nom pour toi, ce matin ?
Peuple sous le tas de pierre du silence,
Peuple aux lèvres serrées,
peuple aux membres brisés,
au corps pantelant2 sous les bottes
qui s'éloignent sur le trottoir,
le miracle ne viendra que de vous
et personne d'autre que vous ne dira
comme à Lazare3 en son tombeau :
« Lève-toi et marche… »4
Qui respire avec difficulté.
Personnage de la Bible ressuscité par Jésus.
Phrase prononcée par Jésus lors d'un autre miracle,
quand il guérit un homme paralysé.