Élégie pour Martin Luther King
Les Blancs et les Noirs, tous les fils de la même terre mère.
Et ils chantaient à plusieurs voix, ils chantaient
Hosanna ! Alléluia !1
Comme au Royaume d'Enfance autrefois, quand je rêvais.
Or ils chantaient l'innocence du monde, et ils dansaient la floraison
Dansaient les forces que rythmait, qui rythmaient la
Force des forces : la Justice accordée, qui est
Beauté Bonté.
Et leurs battements de pieds syncopés2 étaient comme
une symphonie en noir et blanc
Qui pressaient les fleurs écrasaient les grappes, pour
les noces des âmes :
Du Fils unique avec les myriades3 d'étoiles.
Je vis donc – car je vis – George Washington4 et
Phillis Wheatley, bouche de bronze bleue qui
annonça la liberté – son chant l'a consumée
Et Benjamin Franklin, et le marquis de La Fayette
sous son panache de cristal
Abraham Lincoln qui donna son sang, ainsi qu'une
boisson de vie à l'Amérique
Je vis Booker T. Washington le Patient, et William E.B.
Dubois l'Indomptable qui s'en alla planter sa tombe en Nigritie5
J'entendis la voix blues de Langston Hughes, jeune
comme la trompette d'Armstrong. Me retournant je vis
Près de moi John F. Kennedy, plus beau que le rêve
d'un peuple, et son frère Robert, une armure fine d'acier.
Et je vis – que je chante ! – tous les Justes les Bons,
que le Destin dans son cyclone avait couchés
Et ils furent debout par la voix du poète, tels de
grands arbres élancés
Qui jalonnent la voie, et au milieu d'eux Martin Luther King.
Je chante Malcom X, l'ange rouge de notre nuit
Par les yeux d'Angela chante George Jackson,
fulgurant comme l'Amour sans ailes ni flèches
Non sans tourment. Je chante avec mon frère
La Négritude debout, une main blanche dans sa main
vivante
Je chante l'Amérique transparente, où la lumière est
polyphonie de couleurs
Je chante un paradis de paix.