Elle s'acheta un plan de Paris, et, du bout de
son doigt, sur la carte, elle faisait des courses
dans la capitale. Elle remontait les boulevards,
s'arrêtant à chaque angle, entre les lignes des
rues, devant les carrés blancs qui figurent les
maisons. Les yeux fatigués à la fin, elle fermait
ses paupières, et elle voyait dans les ténèbres
se tordre au vent des becs de gaz1
, avec des
marchepieds de calèches, qui se déployaient à
grand fracas2
devant le péristyle3
des théâtres.
Elle s'abonna à la Corbeille, journal des
femmes, et au Sylphe des salons. Elle dévorait,
sans en rien passer, tous les comptes rendus
de premières représentations, de courses
et de soirées, s'intéressait au début d'une
chanteuse, à l'ouverture d'un magasin. Elle
savait les modes nouvelles, l'adresse des bons
tailleurs, les jours de Bois ou d'Opéra. Elle étudia, dans Eugène Sue4, des
descriptions d'ameublements ; elle lut Balzac et George Sand, y cherchant
des assouvissements imaginaires pour ses convoitises personnelles. À table
même, elle apportait son livre, et elle tournait les feuillets, pendant que
Charles mangeait en lui parlant. Le souvenir du
Vicomte5
revenait toujours
dans ses lectures. Entre lui et les personnages inventés, elle établissait des
rapprochements. Mais le cercle dont il était le centre peu à peu s'élargit
autour de lui, et cette auréole qu'il avait, s'écartant de sa figure, s'étala
plus au loin, pour illuminer d'autres rêves.
Écrivain
français dont les romans étaient très populaires dans les années 1830 à 1850.
Souvenir d'une
soirée idyllique où Emma a dansé avec un vicomte très charmant.