La fascination dont les banlieues résidentielles font
aujourd'hui l'objet tient, dans une large mesure, au rôle
historique qu'elles ont occupé dans l'histoire de la dialectique
ville-campagne aux États-Unis. Le développement
des suburbs commence en fait au XIXe siècle, comme une
réponse à la croissance des villes, réconciliant la modernité
urbaine et le vieil idéal de l'habitat agreste qui, depuis
Jefferson, inspire une partie de l'opinion américaine. […]
Dans les années 1950, les premières séries télévisées se
plaisent ainsi à représenter la suburb comme un cadre
éminemment favorable à l'épanouissement de la vie de
famille. Dans Leave it to Beaver (CBS, ABC, 1957-1963),
par exemple, les Cleaver incarnent la perfection familiale
: le père travaille dans la journée et donne, le soir
venu, de grandes leçons de vie à sa progéniture, la mère
se dévoue pour sa famille et les enfants font de gentilles
bêtises sans conséquence, le tout dans une banlieue résidentielle
coquette et paisible. Dès cette époque, pourtant,
la sitcom I Love Lucy (CBS, 1951-1957), qui met en scène
les aventures d'une femme extravagante dont le rêve est
de quitter ses fourneaux pour se lancer dans une carrière
artistique, laisse entendre que la banlieue résidentielle ne
symbolise pas nécessairement l'accomplissement ultime.