Adolescente, Christine Sabrié allait une fois par semaine choisir un livre chez les voisins, des Parisiens. En ce temps-là, au milieu des années 1970, il n'y avait pas de bibliothèque au village. Mme Fourastié la conseillait puis lui offrait un cassis à l'eau. Monsieur écrivait, avant de partir à vélo faire le tour du village, écouter les cigales, discuter avec les paysans. […] M. et Mme Fourastié reposent au cimetière, de l'autre côté du fleuve. Mais ils font partie de l'histoire de ce village où Jean Fourastié (1907- 1990) a passé une partie de son enfance avant d'y revenir tous les étés. […] De ses 48 livres, Les Trente Glorieuses est le plus connu, ne serait-ce que pour son titre qui, chose rare, a fini par désigner une période de l'histoire. […] « Ne doit-on pas dire glorieuses les trente années qui ont fait passer et Douelle et la France de la pauvreté millénaire, de la vie végétative traditionnelle, aux niveaux de vie et aux genres de vie contemporains ? », écrit Jean Fourastié. Si Jean Fourastié revenait à Douelle, dirait-il, comme José Roucanières, vigneron à la retraite, que « ça change à l'envers » ? Dirait-il, comme Marguerite Raynal, figure locale de 87 ans, que « la machine, c'est bien, mais la machine a tué l'homme » ? Dirait-il, comme André Leymat, 85 ans, que « toutes les valeurs qu'on connaissait ont été remises en cause par la mondialisation » ? Il serait en tout cas surpris par le Douelle de 2009, trente ans après la publication des Trente Glorieuses.
C'est un village de carte postale, le long d'une boucle du Lot, avec son architecture typique du Quercy, sa base de loisirs, ses vignes tirées au cordeau, son club de parapente, son ambiance estivale quand, en août, les enfants du pays reviennent, sa base fluviale où Australiens, Russes et Américains viennent louer une embarcation à la semaine pour remonter le fleuve.