Milady, espionne au service du cardinal de Richelieu et ennemie de Buckingham, a été capturée. Elle parvient cependant à manipuler son gardien, Felton, et à lui faire croire que le duc de Buckingham est la source de tous ses malheurs.
Il n'y avait plus de doute, Felton était convaincu, Felton était à elle : un ange apparaitrait-il au jeune homme pour accuser Milady, il le prendrait certainement, dans l'état d'esprit où il se trouvait, pour un envoyé du démon. Milady souriait à cette pensée, car Felton, c'était désormais sa seule espérance, son seul moyen de salut1.
Elle jeta un coup d'œil sur la porte : le baron avait fait clouer une planche sur le guichet2 ; il craignait sans doute que, par cette ouverture, elle ne parvînt encore, par quelque moyen diabolique, à séduire les gardes.
Tout à coup, elle entendit frapper à une vitre, et, à la lueur d'un éclair, elle vit le visage d'un homme apparaître derrière les barreaux. Elle courut à la fenêtre et l'ouvrit.
« Felton ! s'écria-t-elle, je suis sauvée !
– Oui, dit Felton ! mais silence, silence ! il me faut le temps de scier vos barreaux.
– Mais, que faut-il que je fasse ?
– Rien, rien ; refermez la fenêtre ; mettez-vous dans votre lit toute habillée ; quand j'aurai fini, je frapperai aux carreaux. Mais pourrez-vous me suivre ?
– Oh ! oui. »
Au bout d'une heure, Felton frappa de nouveau. Milady monta sur un fauteuil et passa tout le haut de son corps par la fenêtre : elle vit le jeune officier suspendu au-dessus de l'abîme par une échelle de corde. Le vide l'épouvantait.
« Avez-vous confiance en moi ? dit Felton.
– Vous le demandez !
– Rapprochez vos deux mains ; croisez-les. C'est bien.
Felton lui lia les deux poignets avec son mouchoir, puis par-dessus le mouchoir, avec une corde.
– Que faites-vous ? demanda Milady avec surprise.
– Passez vos bras autour de mon cou et ne craignez rien.
– Mais je vous ferai perdre l'équilibre, et nous nous briserons tous les deux.
– Soyez tranquille, je suis »
Il n'y avait pas une seconde à perdre ; Milady passa ses deux bras autour du cou de Felton et se laissa glisser hors de la fenêtre. [...]
Felton continua de descendre et, arrivé au bord de la mer, fit entendre un coup de sifflet. Un signal semblable lui répondit, et, cinq minutes après, il vit apparaître une barque montée par quatre hommes.
La barque s'approcha aussi près qu'elle put du rivage.
« Oh ! sauvée ! sauvée ! s'écria-t-elle. Oui, voici le ciel, voici la mer ! cet air que je respire, c'est celui de la liberté. Ah !... merci, Felton, merci ! »
[Felton lui annonce son départ pour Portsmouth.]
« Vous allez à Portsmouth ?
– Je n'ai pas de temps à perdre : c'est demain le 23, et Buckingham part demain avec la flotte.
– Il part demain, pour où part-il ?
– Pour La Rochelle.
– Il ne faut pas qu'il parte ! s'écria Milady, oubliant sa présence d'esprit accoutumée.
– Soyez tranquille, répondit Felton, il ne partira pas. »
Milady tressaillit de joie ; elle venait de lire au plus profond du cœur du jeune homme : la mort de Buckingham y était écrite en toutes lettres.
« Felton... dit-elle, vous êtes grand ! Si vous mourez, je meurs avec vous : voilà tout ce que je puis vous dire. »
D'être sauvée.