D'Artagnan rencontre M. de Tréville, chef des mousquetaires du roi, dont il rêve de faire partie. C'est alors qu'Athos, Porthos et Aramis, les trois mousquetaires les plus célèbres, reviennent d'un combat déloyal, qu'ils ont perdu. Athos est blessé. Tous trois ont honte de cette défaite. D'Artagnan, maladroit mais aussi un peu insolent, les offense et chacun d'eux le provoque en duel.
« Et maintenant que vous êtes rassemblés, messieurs, dit d'Artagnan, permettez-moi de vous faire mes excuses. »
À ce mot d'excuses, un nuage passa sur le front d'Athos, un sourire hautain1 glissa sur les lèvres de Porthos, et un signe négatif fut la réponse d'Aramis.
« Vous ne me comprenez pas, messieurs, dit d'Artagnan en relevant sa tête, je vous demande excuse dans le cas où je ne pourrais vous payer ma dette à tous trois, car M. Athos a le droit de me tuer le premier, ce qui ôte beaucoup de sa valeur à votre créance2, M. Porthos, et ce qui rend la vôtre à peu près nulle, M. Aramis. Et maintenant, messieurs, je vous le répète, excusez-moi, mais de cela seulement, et en garde ! »
À ces mots, du geste le plus cavalier3 qui se puisse voir, d'Artagnan tira son épée.
« Quand vous voudrez, monsieur, dit Athos en se mettant en garde.
– J'attendais vos ordres », dit d'Artagnan en croisant le fer.
Mais les deux rapières4 avaient à peine résonné en se touchant, qu'une escouade5 des gardes de Son Éminence6, commandée par M. de Jussac, se montra à l'angle du couvent.
« Holà ! cria Jussac, on se bat donc ici ? Et les édits7, qu'en faites-vous ? [...] Nous vous chargerons8, dit-il, si vous désobéissez. »
« Ils sont cinq, dit Athos à demi-voix, et nous ne sommes que trois ; nous serons encore battus, et il nous faudra mourir ici, car je le déclare, je ne reparais pas vaincu devant le capitaine9. »
Alors Porthos et Aramis se rapprochèrent à l'instant les uns des autres, pendant que Jussac alignait ses soldats. [...]
« Messieurs, dit [d'Artagnan], vous avez dit que vous n'étiez que trois, mais il me semble, à moi, que nous sommes quatre.
– Mais vous n'êtes pas des nôtres, dit Porthos.
– C'est vrai, je n'ai pas l'habit, mais j'ai l'âme. [...] .
– Comment vous appelle-t-on, mon brave ? dit Athos.
– D'Artagnan, monsieur.
– Eh bien, Athos, Porthos, Aramis et d'Artagnan, en avant ! » cria Athos. [...]
Le cœur du jeune Gascon battait à lui briser la poitrine. [...] Il se battait comme un tigre en fureur, tournant dix fois autour de son adversaire. [...] D'Artagnan redoubla d'agilité. Jussac, voulant en finir, porta un coup terrible en se fendant à fond ; mais d'Artagnan para10 prime, et tandis que Jussac se relevait, il lui passa son épée au travers du corps. Jussac tomba comme une masse.
D'Artagnan jeta alors un coup d'œil inquiet et rapide sur le champ de bataille. [...] Porthos, blessé de nouveau par Cahusac, pâlissait à vue d'œil, mais il ne reculait pas d'une semelle.
D'Artagnan, selon les lois du duel de cette époque, pouvait secourir quelqu'un. Il fit un bond, et tomba sur le flanc de Cahusac, en criant : « À moi, monsieur le garde, je vous tue ! »
Cahusac se retourna ; il était temps. Athos, que son extrême courage soutenait seul, tomba à genoux.
[Vainqueurs, les mousquetaires quittent les lieux, accompagnés de d'Artagnan.]
On les voyait enlacés, tenant toute la largeur de la rue, et accostant chaque mousquetaire qu'ils rencontraient, si bien qu'à la fin ce fut une marche triomphale.