La Comédie-Française a, cette semaine, repris la jolie comédie
d'Alfred de Musset : On ne badine pas avec l'amour [...].
La fortune de cette pièce a été singulière. Lorsqu'elle fut portée à la
scène, Musset jouissait près du public d'une faveur peut-être encore
plus tendre qu'aujourd'hui, car elle était plus nouvelle. On écoute à
présent ses ouvrages avec la piété que l'on doit à des chefs-d'œuvre
consacrés. L'admiration n'était pas en ce temps-là plus grande ; elle était
plus vive et plus fervente.
Et cependant, je me le rappelle fort bien, la première représentation
ne laissa pas d'étonner et de déconcerter le public. Il fut sensiblement
touché, comme il devait l'être, de certaines scènes, qui l'enlevèrent
comme elles ont toujours fait depuis. Mais il sembla que l'ensemble
même de l'ouvrage laissât les esprits indécis ; il flottait sur le sens général
du drame, comme sur le caractère de Camille, je ne sais quel nuage
inquiétant.
L'œuvre n'était pas claire.
Et de fait, il y a dans le cœur de Camille des complications de sentiments qu'il est bien difficile de démêler, et il est besoin pour y entrer
d'une analyse plus délicate que celle dont la foule dispose à l'heure
du spectacle, après son dîner.