Je le confesse bien, Philis est assez belle
Pour brûler1 qui le veut ;
Mais que pour tout cela je ne sois que pour elle,
Certes il ne se peut.
Lorsqu'elle me surprit, mon humeur en fut cause,
Et non pas sa beauté,
Ores2 qu'elle me perd, ce n'est pour autre chose
Que pour ma volonté.
J'honore sa vertu, j'estime son mérite
Et tout ce qu'elle fait :
Mais veut-elle savoir d'où vient que je la quitte :
C'est parce qu'il3 me plaît.
Chacun doit préférer, au moins s'il est bien sage,
Son propre bien à tous ;
Je vous aime, il est vrai, je m'aime davantage :
Si4 faites-vous bien, vous.
Bergers, si dans vos cœurs ne régnait la feintise5,
Vous en diriez autant ;
Mais j'aime beaucoup mieux conserver ma franchise6
Et me dire inconstant7.
Qu'elle n'accuse donc sa beauté d'impuissance,
Ni moi d'être léger ;
Je change, il est certain ; mais c'est grande prudence
De savoir bien changer.
Pour être sage aussi, qu'elle en fasse de même,
Égale en soit la loi,
Que s'il faut par destin, que la pauvrette m'aime.
Qu'elle m'aime sans moi !