Olympe de Gouges - Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne

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Ch. 1
Introduction
Ch. 2
Œuvre intégrale
Ch. 3
Accompagnement à la lecture
Ch. 5
Grammaire
Ch. 6
Parcours
Ch. 7
Dissertation
Ch. 8
Contraction et essai
Ch. 9
Prolongements
Comprendre l'œuvre

« Monsieur, je m'y refuse »

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Il est donc vrai que nul individu ne peut échapper à son sort ; j'en fais l'expérience aujourd'hui.

J'avais résolu et décidé de ne pas me permettre le plus petit mot pour rire dans cette production, mais le sort en a décidé autrement. Voici le fait : l'économie n'est point défendue, surtout dans ce temps de misère. J'habite la campagne. Ce matin à huit heures je suis partie d'Auteuil, et me suis acheminée vers la route qui conduit de Paris à Versailles, où l'on trouve souvent ces fameuses guingettes1 qui ramassent les passants à peu de frais. Sans doute une mauvaise étoile me poursuivait dès le matin. J'arrive à la barrière2 où je ne trouve pas même le triste sapin3 aristocrate. Je me repose sur les marches de cet édifice insolent qui recelait des commis4.
Neuf heures sonnent, et je continue mon chemin : une voiture s'offre à mes regards, j'y prends place, et j'arrive à neuf heures un quart, à deux montres différentes, au Pont‑Royal. J'y prends le sapin, et je vole chez mon imprimeur, rue Christine, car
je ne peux aller que là si matin5 : en corrigeant mes épreuves6, il me reste toujours quelque chose à faire, si les pages ne sont pas bien serrées et remplies. Je reste à peu près vingt minutes, et fatiguée de marche, de composition7 et d'impression, je me propose d'aller prendre un bain dans le quartier du Temple, où j'allais diner8.
J'arrive à onze heures moins un quart, à la pendule du bain ; je devais donc au cocher9 une heure et demie ; mais pour ne pas avoir de dispute avec lui, je lui offre 48 sols10 : il exige plus, comme d'ordinaire ; il fait du bruit. Je m'obstine à ne vouloir plus lui donner11 que son dû, car l'être équitable aime mieux être généreux que dupe12. Je le menace de la loi, il me dit qu'il s'en moque, et que je lui paierai deux heures. Nous arrivons chez un commissaire de paix13, que j'ai la générosité de ne pas nommer, quoique l'acte d'autorité qu'il s'est permis envers moi mérite une dénonciation formelle. Il ignorait sans doute que la femme qui réclamait sa justice était la femme auteure de tant de bienfaisance et d'équité. Sans avoir égard à 14 mes raisons, il me condamne impitoyablement à payer au cocher ce qu'il demandait. Connaissant mieux la loi que lui, je lui dis : « Monsieur, je m'y refuse, et je vous prie de faire attention que vous n'êtes pas dans le principe de votre charge 15 ». Alors cet homme, ou, pour mieux dire, ce forcené s'emporte, me menace de la force si je ne paye à l'instant, ou de rester toute la journée dans son bureau. Je lui demande de me faire conduire au tribunal de département ou à la mairie, ayant à me plaindre de son coup d'autorité. Le grave magistrat, en redingote 16 poudreuse et dégoutante comme sa conversation, m'a dit plaisamment : « Cette affaire ira sans doute à l'Assemblée nationale ? » « Cela se pourrait bien », lui dis‑je ; et je m'en fus moitié furieuse et moitié riant du jugement de ce moderne Brid'oison 17, en disant : « C'est donc là l'espèce d'homme qui doit juger un peuple éclairé ! » On ne voit que cela. Semblables aventures arrivent indistinctement aux bons patriotes, comme aux mauvais. Il n'y a qu'un cri sur 18 les désordres des sections 19 et des tribunaux. La justice ne se rend pas ; la loi est méconnue, et la police se fait Dieu sait comment.
On ne peut plus retrouver les cochers à qui l'on confie des effets 20 ; ils changent les numéros 21 à leur fantaisie, et plusieurs personnes, ainsi que moi, ont fait des pertes considérables dans les voitures. Sous l'Ancien Régime, quel que fût son brigandage, on trouvait la trace de ses pertes, en faisant un appel nominal des cochers et par l'inspection exacte des numéros ; enfin on était en sûreté.
Que font ces juges de paix ? Que font ces commissaires, ces inspecteurs du nouveau régime ? Rien que des sottises et des monopoles. L'Assemblée nationale doit fixer toute son attention sur cette partie qui embrasse 22 l'ordre social.


1. Restaurants‑cabarets, le plus souvent en plein air.
2. Poste situé à l'entrée des villes et qui servait à percevoir les droits d'entrée (cette taxe a été supprimée par l'Assemblée nationale à partir du 1er mai 1791).
3. Fiacre (taxi tiré par un cheval).
4. Employés.
5. Si tôt.
6. Feuilles imprimées servant à la correction d'un texte avant sa publication.
7. En imprimerie, assemblage des caractères pour former des lignes de texte.
8. Déjeuner, prendre le repas du milieu de la journée.
9. Chauffeur.
10. Monnaie de l'époque.
11. À ne pas vouloir lui donner plus.
12. Que trompé (que de se faire avoir).
13. Juge.
14. Tenir compte de.
15. Fonction.
16. Veste longue.
17. Personnage de juge ridicule et sot dans Le Mariage de Figaro (1784), célèbre pièce de Beaumarchais. Gouges, admiratrice de cette pièce, en a écrit une suite : Le Mariage inattendu de Chérubin (1786).
18. Tout le monde dénonce.
19. À peu près l'équivalent de mairies de quartiers à Paris, entre 1790 et 1795.
20. Affaires personnelles.
21. Les numéros des voitures, qui permettaient de les identifier.
22. Concerne.
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Préparer l'explication linéaire (8 points)

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Étape 1
Première lecture et repérages

Question 1
a) Situez l'extrait dans l'œuvre.


b) Relisez et observez la façon dont l'autrice introduit l'anecdote. Que cherche‑t‑elle à illustrer ?


Question 2
Délimitez plusieurs mouvements et donnez‑leur un titre.
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Étape 2
Analyser le texte

Question 3
Relevez les précisions horaires et spatiales. En quoi sont‑elles au service de l'argumentation ?


Question 4
Repérez les expressions qui décrivent la narratrice comme :
a) une personne travailleuse et cultivée ;


b) une personne généreuse et juste ;


c) une personne connaissant la loi ;


d) une femme combattive.


Question 5
a) Comment la narratrice décrit‑elle le magistrat ? Justifiez par des éléments précis.


b) Quelle est la tonalité () dominante dans cet extrait ?


Question 6
a) Quel est le temps principalement utilisé ? Quelle est sa valeur ?


b) Ce passage s'apparente à un apologue. Quel est son enseignement ?
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Étape 3
Préparer l'introduction et la conclusion

Question 7
Introduction • Choisissez les mots‑clés pertinents pour introduire l'extrait : autoportrait ; ethos ;esclavage ; veuve ; apologue.


Question 8
Conclusion • En vous appuyant sur le dossier «  », proposez une ouverture.
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Préparer la lecture (2 points)

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Question 9
a) Écoutez le texte lu par une comédienne et prenez connaissance des conseils donnés en couleur dans le texte ci‑dessous.

« Monsieur, je m'y refuse »

Crédits : Lelivrescolaire.fr

Neuf heures sonnent, et je continue mon chemin : une voiture s'offre à mes regards, j'y prends place, etyellow j'arrive à neuf heures un quart, à deux montres différentes, au Pont‑Royal. J'y prends le sapin, et je vole chez mon imprimeur, rue Christine, car je ne peux aller que là si matin : en corrigeant mes épreuves, il me reste toujours quelque chose à faire, si les pages ne sont pas bien serrées et remplies. Je reste à peu près vingt minutes, et fatiguée de marche, de composition et d'impression, je me propose d'aller prendre un bain dans le quartier du Temple, où j'allais diner. J'arrive à onze heures moins un quart, à la pendule du bain ; je devais donc au cocher une heure et demie ; mais, pour ne pas avoir de dispute avec lui, je lui offre 48 sols : il exige plus, comme d'ordinaire ; il fait du bruit. Je m'obstine à ne vouloir plus lui donner que son dû, car l'être équitable aime mieux être généreux que dupe. Je le menace de la loi, il me dit qu'il s'en moque, et que je lui paierai deux heures. Nous arrivons chez un commissaire de paix, que j'ai la générosité de ne pas nommer, quoique l'acte d'autorité qu'il s'est permis envers moi mérite une dénonciation formelle. Il ignorait sans doute que la femme qui réclamait sa justice était la femme auteure de tant de bienfaisance et d'équité. Sans avoir égard à mes raisons, il me condamne impitoyablement à payer au cocher ce qu'il me demandait. Connaissant mieux la loi que lui, je lui dis, « Monsieur, je m'y refuse, et je vous prie de faire attention que vous n'êtes pas dans le principe de votre charge ». Alors, cet homme, ou, pour mieux dire, ce forcené s'emporte, me menace de la force si je ne paye à l'instant, ou de rester toute la journée dans son bureau. Je lui demande de me faire conduire au tribunal de département ou à la mairie, ayant à me plaindre de son coup d'autorité. Le grave magistrat, en redingote poudreuse et dégoûtante comme sa conversation, m'a dit plaisamment : « Cette affaire ira sans doute à l'Assemblée nationale ? » « Cela se pourrait bien », lui dis‑je ; et je m'en fus moitié furieuse et moitié riant du jugement de ce moderne Brid'oison, en disant : « C'est donc là l'espèce d'homme qui doit juger un peuple éclairé ! »

Conseils

  • Expressivité de la voix
  • Accentuation d'un ou des mot(s)

b) Entrainez‑vous à lire !

Enregistreur audio
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Traiter la question de grammaire (2 points)

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Question 10
Analysez la négation dans l'extrait suivant : « cet homme [...] me menace de la force si je ne paye à l'instant » (l. 328‑330).
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