Olympe de Gouges - Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne

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Ch. 1
Introduction
Ch. 2
Œuvre intégrale
Ch. 3
Accompagnement à la lecture
Ch. 4
Explications linéaires
Ch. 5
Grammaire
Ch. 6
Parcours
Ch. 8
Contraction et essai
Ch. 9
Prolongements
Dissertation
Étude thématique 2

Le mariage : esclavage féminin ou contrat égalitaire ?

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Activité 1
(en binôme)

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Consigne

Rédigez un entretien entre Olympe de Gouges et un(e) journaliste du Patriote français sur la thématique du mariage.
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Étape 1

Aidez‑vous de la trame proposée dans le tableau pour construire vos questions et les réponses qu'aurait pu formuler Olympe de Gouges.

ThématiquesÉléments pour les réponses d'Olympe de Gouges
Observation de la nature
Question 1
Complétez la phrase suivante en relisant  : « Dans la nature, l'élément féminin et l'élément masculin... »


Question 2
Illustrez votre propos par une citation pertinente.
Définition du statut et du rôle de la femme vis‑à‑vis de l'homme
Au début du , Gouges déplore que l'homme révolutionnaire ait oublié les femmes dans son combat pour la liberté.

Question 1
a) Quel terme emploie‑t‑elle pour définir la femme injustement oubliée ?

b) Quel est le sens étymologique de ce mot ?

c) À quels mots l'opposeriez‑vous ?


Question 2
Quels liens faites‑vous entre ce mot et la «  » imaginée entre l'homme et la femme ?
Situation conjugale sous l'Ancien Régime
Question 1
a) Dans , repérez le(s) passage(s) où l'autrice montre le déséquilibre caractérisant le mariage sous l'Ancien Régime.

b) Que détient l'homme que ne détient pas la femme ?

c) En quoi cette inégalité est‑elle préjudiciable à la femme ?


Question 2
a) Que détient cependant la femme ?

b) En quoi ce capital est‑il fragile et même inconsistant ?


Question 3
Expliquez l'image employée par Gouges pour définir les rapports asymétriques au sein du couple.

Risques de l'union hors mariage
Question 1
Quels exemples Olympe de Gouges prend‑elle pour montrer les dangers des relations hors mariage pour les femmes ?


Question 2
La juridiction de l'Ancien Régime sur ce point est‑elle favorable aux femmes ?
Expliquez en lisant et .

« Le mariage est le tombeau de la confiance et de l'amour »
Question 1
Quelle figure de style repérez‑vous dans cette citation ?


Question 2
Commentez‑la en résumant l'argumentation qui suit directement la thèse formulée dans cette phrase.


Question 3
Après avoir relu l'œuvre de  à , montrez en quoi le mariage, selon Gouges, est porteur des vices de l'Ancien Régime.

Propositions
Question 1
Dans , repérez les passages où l'autrice propose une solution concrète à l'injustice vécue par les femmes dans le mariage.


Question 2
a) Dans la « «  », à qui Gouges reprend‑elle l'expression « contrat social » ? Lisez le proposé ci‑dessous.

b) Quelle définition en donne cet auteur ?

c) Quels échos en trouve‑t‑on dans la proposition d'Olympe de Gouges ?


Question 3
a) Sur quel sentiment repose le contrat social de l'homme et de la femme selon Gouges ? Référez‑vous à et à .

b) En quoi est‑ce novateur ?


Question 4
Qui est susceptible de s'élever contre les propositions de l'autrice ? Pourquoi ?


Question 5
En quoi ce contrat social favorise‑t‑il également la descendance et propose‑t‑il une nouvelle définition de la filiation ?
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Texte-écho
Jean‑Jacques Rousseau, Du contrat social, 1762

Rousseau affirme le principe de la souveraineté du peuple et défend l'idée d'un « contrat » ou « pacte social » qui permet à une société d'être constituée de citoyens libres et égaux en droits. Le livre I de ce traité est intitulé « Où l'on recherche comment l'homme passe de l'état de nature1 à l'état civil, et quelles sont les conditions essentielles du pacte ».

Puisqu'aucun homme n'a une autorité naturelle sur son semblable, et puisque la force ne produit aucun droit, restent donc les conventions pour base de toute autorité légitime parmi les hommes.

[...] Aliéner, c'est donner ou vendre. Or, un homme qui se fait esclave d'un autre ne se donne pas ; il se vend, tout au moins pour sa subsistance. Mais un peuple, pourquoi se vend‑il ? [...]

Ainsi, de quelque sens qu'on envisage les choses, le droit d'esclavage est nul, non seulement parce qu'il est illégitime, mais parce qu'il est absurde et ne signifie rien. Ces mots, esclave et droit, sont contradictoires ; ils s'excluent mutuellement. Soit d'un homme à un homme, soit d'un homme à un peuple, ce discours sera toujours également insensé : je fais avec toi une convention toute à ta charge et toute à mon profit, que j'observerai tant qu'il me plaira, et que tu observeras tant qu'il me plaira.
Livre I, chapitre 4, « De l'esclavage ».

1. L'état de nature désigne chez Rousseau un état antérieur à la société. Selon le philosophe, c'est la société qui a perverti les rapports humains.



« Trouver une forme d'association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun s'unissant à tous n'obéisse pourtant qu'à lui‑même et reste aussi libre qu'auparavant ? » Tel est le problème fondamental dont le contrat social donne la solution. [...]

Si donc on écarte du pacte social ce qui n'est pas de son essence, on trouvera qu'il se réduit aux termes suivants. Chacun de nous met en commun sa personne et toute sa puissance sous la subrême direction de la volonté générale ; et nous recevons en corps chaque membre comme partie indivisible du tout.
Livre I, chapitre 6, « Du pacte social ».
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Étape 2

Rédigez votre entretien en proposant au minimum une douzaine de questions et de réponses. Prenez soin de respecter l'éloquence de l'autrice, analysée notamment dans l'étude thématique 3 ( ).
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Étape 3

Présentez votre entretien à la manière d'un journal de l'époque, en vous inspirant par exemple de et en vous servant d'un outil de mise en page comme Canva.
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Activité 2
(projet de classe)

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Consigne

À partir d'un , réalisez collectivement une anthologie orale sur l'expérience du mariage de l'Antiquité à nos jours.
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Placeholder pour Piero della Francesca, Le Triomphe de la chasteté ou Double Portrait des ducs
d'UrbinoPiero della Francesca, Le Triomphe de la chasteté ou Double Portrait des ducs
d'Urbino
Le zoom est accessible dans la version Premium.

Piero della Francesca, Le Triomphe de la chasteté ou Double Portrait des ducs d'Urbino, entre 1460 et 1472, tempera et huile sur bois, 47 x 33 cm, musée des Offices de Florence, Italie.
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La condition de la femme mariée : Corpus de textes

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Texte 1
Euripide, Médée, vers 431 avant J‑C

Dans cette tragédie, Euripide s'intéresse aux sentiments éprouvés par la redoutable magicienne face à l'infidélité de son mari Jason.

PREMIER ÉPISODE

MÉDÉE. – [...] Mais un malheur s'est abattu sur moi à l'improviste et m'a brisé l'âme.
C'en est fait de mai ; j'ai perdu la joie de vivre et je désire mourir, mes amies.
Celui en qui j'avais mis tout mon bonheur, – je ne le sais que trop, – 
Mon époux, est devenu le pire des hommes.
De tout ce qui a la vie et la pensée,
Nous sommes, nous autres femmes, la créature la plus misérable.
D'abord il nous faut, en jetant plus d'argent qu'il n'en mérite,
Acheter un mari1 et donner un maître à notre corps,
Ce dernier mal pire encore que l'autre.
Puis se pose la grande question  : le choix2 a‑t‑il été bon ou mauvais ?
Car il y a toujours scandale à divorcer, pour les femmes,
Et elles ne peuvent répudier un mari.
Quand on entre dans des habitudes et des lois nouvelles,
Il faut être un devin pour tirer, sans l'avoir appris dans sa famille,
Le meilleur parti possible de l'homme dont on partagera le lit.
Si après de longues épreuves nous y arrivons,
Et qu'un mari vive avec nous sans porter le joug3 à contrecoeur,
Notre sort est digne d'envie. Sinon, il faut mourir.
Quand la vie domestique pèse à un mari,
Il va au-dehors guérir son coeur de son dégoût
Et se tourne vers un ami ou un camarade de son âge.
Mais nous, il faut que nous n'ayons d'yeux que pour un seul être.
Ils disent de nous que nous vivons une vie sans danger à la maison
Tandis qu'ils combattent avec la lance.
Piètre raisonnement ! Je préférerais lutter trois fois sous un bouclier
Que d'accoucher une seule.
Premier épisode, traduit du grec ancien Henri Berguin, Éditions Garnier, 1954.

1. Allusion à la dot qu'une femme apporte en se mariant.
2. Le choix du mari.
3. L'engagement que représente le mariage.
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Texte 2
Molière, L'École des femmes, 1662

Arnolphe a l'intention d'épouser la jeune Agnès, qu'il a enfermée dans un couvent depuis son enfance. Dans cette scène, il lui expose sa conception du mariage.

ARNOLPHE. – Je vous épouse, Agnès ; et cent fois la journée,
Vous devez bénir l'heur1 de votre destinée,
Contempler la bassesse où vous avez été,
Et dans le même temps admirer ma bonté
Qui, de ce vil état de pauvre villageoise,
Vous fait monter au rang d'honorable bourgeoise,
Et jouir de la couche et des embrassements
D'un homme qui fuyait tous ces engagements,
Et dont à vingt partis2, fort capables de plaire,
Le cœur a refusé l'honneur qu'il veut vous faire.
Vous devez toujours, dis‑je, avoir devant les yeux
Le peu que vous étiez sans ce nœud6 glorieux,
Afin que cet objet d'autant mieux vous instruise,
À mériter l'état où je vous aurai mise,
À toujours vous connaitre, et faire qu'à jamais
Je puisse me louer de l'acte que je fais.
Le mariage, Agnès, n'est pas un badinage7 :
À d'austères devoirs le rang de femme engage ;
Et vous n'y montez pas, à ce que je prétends,
Pour être libertine et prendre du bon temps.
Votre sexe n'est là que pour la dépendance :
Du côté de la barbe est la toute‑puissance.
Bien qu'on soit deux moitiés de la société,
Ces deux moitiés pourtant n'ont point d'égalité ;
L'une est moitié suprême, et l'autre subalterne5 ;
L'une en tout est soumise à l'autre, qui gouverne ;
Et ce que le soldat, dans son devoir instruit,
Montre d'obéissance au chef qui le conduit,
Le valet à son maitre, un enfant à son père,
À son supérieur le moindre petit frère6,
N'approche point encor de la docilité,
Et de l'obéissance, et de l'humilité,
Et du profond respect où la femme doit être
Pour son mari, son chef, son seigneur et son maitre.
Acte III, scène 2, orthographe modernisée.

1. Le bonheur.
2. Prétendantes, femmes qui auraient voulu l'épouser.
3. Le nœud du mariage.
4. Une plaisanterie, une amourette.
5. Subordonnée, inférieure.
6. Religieux.
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Texte 3
Voltaire, « Femmes soyez soumises à vos maris », 1768

L'abbé de Châteauneuf a rapporté à Voltaire l'entretien qu'il a eu avec la Maréchale de Grancey.

– J'ai ouvert par hasard, répondit‑elle, un livre qui trainait dans mon cabinet. C'est, je crois, quelque recueil de lettres. J'y ai vu ces paroles : « Femmes, soyez soumises à vos maris ». J'ai jeté le livre.

– Comment, madame ! Savez‑vous bien que ce sont les Épitres de saint Paul1 ?

– Il ne m'importe de qui elles sont : l'auteur est très impoli. Jamais monsieur le maréchal ne m'a écrit dans ce style. Je suis persuadée que votre saint Paul était un homme très difficile à vivre. Était‑il marié ?

– Oui, madame.

– Il fallait que sa femme fût une bien bonne créature : si j'avais été la femme d'un pareil homme, je lui aurais fait voir du pays. « Soyez soumises à vos maris ! » Encore, s'il s'était contenté de dire : « Soyez douces, complaisantes, attentives, économes », je dirais : « Voilà un homme qui sait vivre ». Et pourquoi « soumises », s'il vous plait ? Quand j'épousai M. de Grancey2, nous nous promîmes d'être fidèles : je n'ai pas trop gardé ma parole, ni lui la sienne ; mais ni lui ni moi ne promîmes d'obéir. Sommes‑nous donc des esclaves ? N'est‑ce pas assez qu'un homme, après m'avoir épousée, ait le droit de me donner une maladie de neuf mois, qui quelquefois est mortelle ? N'est‑ce pas assez que je mette au jour avec de très grandes douleurs un enfant qui pourra me plaider3 quand il sera majeur ? Ne suffit‑il pas que je sois sujette tous les mois à des incommodités très désagréables pour une femme de qualité et que, pour comble, la suppression d'une de ces douze maladies par an soit capable de me donner la mort sans qu'on vienne me dire encore : « Obéissez » ?
Certainement la nature ne l'a pas dit. Elle nous a fait des organes différents de ceux des hommes ; mais en nous rendant nécessaires les uns aux autres, elle n'a pas prétendu que l'union formât un esclavage. Je me souviens bien que Molière a dit :
« Du côté de la barbe est la toute‑puissance. »4
Mais voilà une plaisante raison pour que j'aie un maitre ! Quoi ! Parce qu'un homme a le menton couvert d'un vilain poil rude, qu'il est obligé de tondre de fort près, et que mon menton est né rasé, il faudra que je lui obéisse très humblement ? Je sais bien qu'en général les hommes ont les muscles plus forts que les nôtres, et qu'ils peuvent donner un coup de poing mieux appliqué : j'ai peur que ce ne soit là l'origine de leur supériorité.
Dans Mélanges, pamphlets et œuvres polémiques, orthographe modernisée.

1. Apôtre de Jésus. Ses lettres figurent dans le Nouveau Testament (dans la Bible).
2. Son mari.
3. M'attaquer en justice.
4. Voir le .
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Texte 4
George Sand, Indiana, 1832

« J'ai écrit Indiana avec le sentiment non raisonné, mais profond et légitime, de l'injustice et de la barbarie des lois qui régissent encore l'existence de la femme dans le mariage, dans la famille et dans la société », écrit George Sand dans la préface de ce premier roman. Jeune femme créole mariée au colonel Delmare, vieil officier autoritaire et brutal, Indiana ose enfin rejeter le modèle de l'épouse soumise.

– Qui donc est le maitre ici, de vous ou de moi ? Qui donc porte une jupe et doit filer une quenouille1 ? Prétendez‑vous m'ôter la barbe du menton ? Cela vous sied bien, femmelette !

– Je sais que je suis l'esclave et vous le seigneur. La loi de ce pays vous a fait mon maitre. Vous pouvez lier mon corps, garrotter mes mains, gouverner mes actions. Vous avez le droit du plus fort, et la société vous le confirme ; mais sur ma volonté, monsieur, vous ne pouvez rien, Dieu seul peut la courber et la réduire. Cherchez donc une loi, un cachot, un instrument de supplice qui vous donne prise sur elle ! C'est comme si vous vouliez manier l'air et saisir le vide !

– Taisez‑vous, sotte et impertinente créature ; vos phrases de roman nous ennuient.

– Vous pouvez m'imposer le silence, mais non m'empêcher de penser.

– Orgueil imbécile, morgue de vermisseau ! Vous abusez de la pitié qu'on a de vous ! Mais vous verrez bien qu'on peut dompter ce grand caractère sans se donner beaucoup de peine.

– Je ne vous conseille pas de le tenter, votre repos en souffrirait, votre dignité n'y gagnerait rien.

– Vous croyez ? dit‑il en lui meurtrissant la main entre son index et son pouce.

– Je le crois, dit‑elle sans changer de visage.

Ralph2 fit deux pas, prit le bras du colonel dans sa main de fer, et le fit ployer comme un roseau en lui disant d'un ton pacifique :

– Je vous prie de ne pas toucher à un cheveu de cette femme.

Delmare eut envie de se jeter sur lui ; mais il sentit qu'il avait tort, et il ne craignait rien tant au monde que de rougir de lui‑même. Il le repoussa en se contentant de lui dire :

– Mêlez‑vous de vos affaires.

Puis, revenant à sa femme :

– Ainsi, madame, lui dit‑il en serrant ses bras contre sa poitrine pour résister à la tentation de la frapper, vous entrez en révolte ouverte contre moi, vous refusez de me suivre à l'ile Bourbon, vous voulez vous séparer ? Eh bien, mordieu ! moi aussi...

– Je ne le veux plus, répondit‑elle. Je le voulais hier, c'était ma volonté ; ce ne l'est plus ce matin. Vous avez usé de violence en m'enfermant dans ma chambre : j'en suis sortie par la fenêtre pour vous prouver que ne pas régner sur la volonté d'une femme, c'est exercer un empire dérisoire. J'ai passé quelques heures hors de votre domination ; j'ai été respirer l'air de la liberté pour vous montrer que vous n'êtes pas moralement mon maitre et que je ne dépends que de moi sur la terre. En me promenant, j'ai réfléchi que je devais à mon devoir et à ma conscience de revenir me placer sous votre patronage ; je l'ai fait de mon plein gré. Mon cousin m'a accompagnée ici, et non pas ramenée. Si je n'eusse pas voulu le suivre, il n'aurait pas su m'y contraindre, vous l'imaginez bien. Ainsi, monsieur, ne perdez pas votre temps à discuter avec ma conviction ; vous ne l'influencerez jamais, vous en avez perdu le droit dès que vous avez voulu y prétendre par la force. Occupez‑vous du départ ; je suis prête à vous aider et à vous suivre, non pas parce que telle est votre volonté, mais parce que telle est mon intention. Vous pouvez me condamner, mais je n'obéirai jamais qu'à moi‑même.
Partie III, chapitre 21.

1. Instrument servant à tisser, traditionnellement associé à la femme.
2. Cousin et ami d'enfance d'Indiana.
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Texte 5
Benoîte Groult, Ainsi soit‑elle, 1975

Journaliste, essayiste et militante féministe, Benoite Groult a participé activement aux combats pour l'égalité des sexes. Dans cet extrait, elle remet en cause l'idée communément admise selon laquelle la valeur d'une femme ne proviendrait que de l'homme.

Que tu sois entrée première à Polytechnique, Anne‑Marie Chopinet, que tu sois sortie major de l'E.N.A., Françoise Chandernagor, que tu aies reçu la croix de guerre, Jeanne Mathez, que vous ayez gravi à votre tour plus de 8000 mètres, petites Japonaises de Manaslu, que vous ayez élevé seules vos enfants dans les difficultés matérielles et la désapprobation morale, vous autres les abandonnées ou les filles mères volontaires, que vous soyez mortes pour vos idées, Flora Tristan, Olympe de Gouges ou Rosa Luxembourg, que tu aies été une physicienne accomplie, Marie Curie, alors que tu n'avais pas le droit de vote, tout cela et bien d'autres actes héroïques ou obscurs ne vous vaudra ni dignité ni sécurité. C'est un ministre qui l'a dit1. Pas au Moyen‑Âge. Pas au XIXe siècle non plus, vous n'y êtes pas. En 1973. Il s'adressait à vous et à moi pour nous redire après tant d'autres que toute valeur pour la femme ne peut procéder que de l'homme. Y compris la maternité qui prétendument nous sacrifie, puisque aujourd'hui encore, malgré quelques exemples illustres, on veut voir dans la fille mère non la mère qui a fait son devoir mais la fille qui n'a pas fait le sien.

Pour être respectable, il ne s'agit donc pas d'être mère, il s'agit d'être mariée.

Un certain nombre de pétroleuses2, soutenues par quelques utopistes mâles, ont essayé depuis deux siècles de secouer ce joug, de penser et d'agir sans en demander l'autorisation à l'autre sexe. Elles ont péri sous le ridicule et les insultes des hommes, mais aussi, ce qui est plus désolant, sous le mépris hargneux de ces femmes qui constituent ce que Françoise Parturier a appelé la « misogynie d'appoint ». Comme tous ceux que la servitude a dégradés, les femmes ont fini par se croire faites pour leurs chaînes et sont devenues anti‑féministes comme tant d'esclaves du Sud furent esclavagistes et combattirent aux côtés de leurs maîtres contre leur propre libération lors de la guerre de Sécession. Bien des sentiments les poussent à se désolidariser de leur propre cause, l'intérêt, la prudence, la peur, une humilité savamment entretenue, mais aussi l'amour, bien qu'il soit déchirant d'aimer qui vous opprime.
© Grasset & Fasquelle

1. Jean Foyer, ministre de la Santé en 1972‑1973, a déclaré : « L'homme tire sa dignité et sa sécurité de son emploi. La femme doit l'une et l'autre au mariage. »
2. Militantes fougueuses, engagées avec force.
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Texte 6
Laetitia Colombani, La Tresse, 2017

Dans son premier roman, Laetitia Colombani raconte le destin croisé de trois femmes dans trois parties du monde. En Inde, Smita est une Intouchable, réduite, comme le veut la tradition, à acomplir les tâches les plus avilissantes.

La femme – elle s'appelle Lackschmama – engage la conversation. Elle veut savoir où elles se rendent ainsi, toutes les deux. N'ont‑elles pas un mari, un père ou un frère pour les accompagner ? Smita répond qu'elles vont à Chennai – son mari les attend là‑bas, ment‑elle. Lackshmama et ses jeunes fils sont en partance pour Vrindavan, une petite ville au sud de Delhi, connue comme la ville des veuves blanches. Elle confie avoir perdu son mari, il y a quelques mois, décédé de la grippe. Après sa mort, elle a été rejetée par sa belle‑famille chez qui elle vivait. Avec amertume, Lackshmama évoque le funeste sort des veuves ici. Maudites, elles sont considérées comme coupables de n'avoir pas su retenir l'âme de leur défunt mari. Elles sont parfois même accusées d'avoir provoqué, par sorcellerie, la maladie ou la mort de leur époux. Elles n'ont le droit de toucher aucune assurance s'il décède d'un accident, aucune pension s'il est tué à la guerre. Leur simple vue porte malheur, croiser ne serait‑ce que leur ombre est un mauvais présage. Elles sont interdites dans les mariages et les fêtes, contraintes de se cacher, de porter le blanc du deuil, de faire pénitence. Elles sont souvent jetées à la rue par leur propre famille. Lackshmama évoque avec effroi la cruelle tradition du Sati, qui les condamnait jadis à s'immoler sur le bûcher funéraire de leur mari. Celles qui s'y refusaient étaient excommuniées, battues ou humiliées, parfois poussées de force dans les flammes par leur belle‑famille, ou même leurs propres enfants, qui trouvaient ainsi le moyen d'échapper au partage de l'héritage. Avant d'être mises à la rue, les veuves sont condamnées à ôter leurs bijoux et à se raser le crâne, afin de ne plus exercer une quelconque attraction envers les hommes – il leur est interdit de se remarier, quel que soit leur âge. Dans les provinces où les filles sont mariées jeunes, certaines fillettes sont veuves à l'âge de cinq ans et, de fait, condamnées à une vie de mendicité.

« C'est ainsi, quand on n'a plus de mari, on n'a plus rien » soupire‑t‑elle. Smita le sait : une femme n'a pas de bien propre, tout appartient à son époux. En se mariant, elle lui donne tout. En le perdant, elle cesse d'exister. Lackshmama ne possède plus rien à part un bijou qu'elle est parvenue à dissimuler sous son sari1, offert par ses parents pour son mariage. Elle se souvient de ce jour faste2 où, ornée de riches parures, elle avait été conduite au temple par sa famille en liesse pour célébrer ses noces. Elle était entrée dans le mariage avec somptuosité ; elle en sortait dans un total dénuement. Elle aurait préféré que son mari l'abandonne, avoue‑t‑elle, ou la répudie, au moins la société ne l'aurait pas reléguée au rang de paria3, peut‑être ses proches auraient‑ils montré quelque compassion, là où ils ne lui témoignaient que mépris et hostilité. Elle aurait préféré naître sous la forme d'une vache, ainsi elle aurait été respectée.
© Grasset & Fasquelle

1. Vêtement traditionnel, constitué d'une large bande de tissu, que portent de nombreuses femmes en Asie du Sud.
2. Somptueux, magnifique.
3. Dans la civilisation traditionnelle indienne, personne n'appartenant à aucune caste, considérée comme impure, et rejetée par l'ensemble de la société.
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Texte 7
Djaïli Amadou Amal, Les Impatientes, 2020

Prix Goncourt des lycéens en 2020, Les Impatientes traite du mariage forcé, de la polygamie et des violences conjugales. Dans cet extrait, une jeune femme nommée Hindou est contrainte d'épouser son cousin.

« J'ai déjà informé Boubakari de ma décision, ajouta mon père. Il en a été très ému. Je suis content de cet arrangement qui satisfait tout le monde dans les temps douloureux que nous traversons. Allah veille sur les âmes en souffrance. Voilà un bonheur après ce grand malheur ! »

Sur mes joues ruisselaient mes larmes. Ma mère pleurait aussi en silence. Mon père se leva et nous dit simplement :

« Patience, munyal1 ! On ne peut aller contre la volonté de Dieu. »

« C'est ainsi que je suis entrée dans ma vie de femme mariée. Sans tambour ni trompette. On m'a simplement installée dans la chambre de ma sœur. On m'a offert tout ce qui lui appartenait. Puis, la nuit tombée, on m'a conduite dans la chambre de son époux. Je n'ai pas eu le temps d'apprendre à être une épouse ni une mère. Mais ce sont des choses qui ne s'apprennent pas. Une femme naît avant tout épouse et mère. Oui, tu le savais, déjà, tes frères aînés sont tes demi‑frères, et ce sont aussi tes cousins. Non, ce sont tout simplement tes frères car je les ai aimés, protégés et élevés comme les miens. J'ai hérité des trois enfants de Hidaya, j'ai aussi hérité des assiettes qui remplissaient son armoire, j'ai hérité des meubles offerts par notre père à son mariage, j'ai enfin hérité de son époux mais surtout de ses trois coépouses ! Patience ! On me l'a répété si souvent. Nos rivalités de coépouses non seulement ne connaissent jamais de fin, mais même une trêve est impossible car chaque rivale attend impatiemment la faille pour déstabiliser son ennemie. J'ai appris à me protéger de tous. Les coépouses, certes, sont des ennemies connues mais les belles‑soeurs sournoises, les épouses des beaux‑frères jalouses, les enfants de l'époux, sa mère, sa famille le sont aussi. »

Depuis un moment, les larmes qui coulaient sur ses joues hachaient la voix de ma mère. Et c'est dans un sanglot à peine étouffé qu'elle conclut :

« Il est difficile, le chemin de vie des femmes, ma fille. Ils sont brefs, les moments d'insouciance. Nous n'avons pas de jeunesse. Nous ne connaissons que très peu de joies. Nous ne trouvons le bonheur que là où nous le cultivons. À toi de trouver une solution pour rendre ta vie supportable. Mieux encore, pour rendre ta vie acceptable. C'est ce que j'ai fait, moi, durant toutes ces années. J'ai piétiné mes rêves pour mieux embrasser mes devoirs. »
© Emmanuelle Collas

1. « Patience », en langue peule.
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Étape 1

Retrouvez d'époques, de genres, d'autrices ou d'auteurs différents, traitant du thème du mariage.
Formez des groupes, tirez au sort l'un des textes proposés et inscrivez vos noms dans la colonne de droite.

ExtraitsÉlèves en charge de l'extrait
Euripide, Médée, -431.
Molière, L'École des Femmes, 1662.
Voltaire, « Femmes, soyez soumises à vos maris », 1768.
George Sand, Indiana, 1832.
Benoîte Groult, Ainsi soit‑elle, 1975.
Laetitia Colombani, La Tresse, 2017.
Djaïli Amadou Amal, Les Impatientes, 2020.
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Étape 2

Lisez attentivement votre texte en vue de réaliser ensemble une mise en voix expressive qui fera apparaitre votre interprétation du passage. Au sein de votre groupe, discutez ensemble :

  • du sens du texte et de la vision du mariage qui y est à l'œuvre · Qui parle ? Qui sont les personnages et comment évoluent‑ils l'un par rapport à l'autre ? Comment le mariage est‑il décrit ? Quels aspects de la relation conjugale sont mis en valeur dans cet extrait ? Quelle est la tonalité dominante de votre extrait ?

  • de l'appartenance du texte à un genre spécifique · S'agit‑il d'une pièce de théâtre ? D'un extrait de roman ? D'un essai ? Comment allez‑vous en tenir compte dans votre lecture expressive ?

  • de sa construction · Le texte est‑il en prose ? En vers ? Comment progresse‑t‑il du début à la fin du texte ? Quel(s) passage(s) en particulier sont, selon vous, les plus importants ? Pourquoi ? Observez‑vous des répétitions, des figures de style, des effets oratoires qu'il faudrait particulièrement mettre en valeur dans votre lecture expressive ?
➜ Pour chacun de ces aspects, demandez‑vous comment votre mise en voix en tiendra compte.
➜ Une fois la répartition de la lecture faite, entrainez‑vous plusieurs fois avec les membres de votre groupe.

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Étape 3

Réalisez une prise de notes pour justifier vos choix interprétatifs. Préparez ensuite une courte introduction de votre extrait en rappelant l'auteur ou l'autrice, le titre de l'œuvre, son inscription dans l'histoire littéraire ainsi que les enjeux du texte.


➜ Voir .
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Étape 4

Le jour J, introduisez rapidement votre extrait et ses enjeux, puis proposez à la classe votre mise en voix. À la suite de la lecture, justifiez à l'oral vos choix d'interprétation et expliquez quelle vision ou quelle expérience du mariage propose votre extrait.


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Étape 5

Lors du passage des autres groupes, prenez des notes de manière à sélectionner les deux textes qui, selon vous, proposent les liens les plus pertinents avec votre extrait. Complétez en ce sens le schéma suivant.

Mon extrait :


Ce que je souhaite retenir du texte :


La définition ou l'expérience du mariage qui y est proposée :
flèche
Le zoom est accessible dans la version Premium.
flèche
Le zoom est accessible dans la version Premium.
Texte‑écho 1 :


Parallèle pertinent :
Texte‑écho 2 :


Parallèle pertinent :

➜ Voir .
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Variantes possibles

  • L'étape 3 peut être réalisée sous la forme d'un travail écrit personnel qui sera évalué en complément de la lecture orale. Le jour J, chaque groupe propose uniquement sa lecture expressive.

  • L'étape 4 peut être réduite : chaque groupe dispose de 2 minutes, une minute pour présenter l'extrait et expliquer ses enjeux, et une minute pour proposer la lecture expressive d'un passage au choix. La lecture expressive de l'extrait entier devient alors un travail que chaque groupe réalise au moyen d'un enregistreur audio (comme ) et qu'il poste sur un mur collaboratif (type ) ou sur l'ENT du lycée. L'étape 5 peut alors être réalisée en travail personnel grâce à l'écoute des différents travaux postés sur le mur collaboratif.

  • Les étapes 3, 4 et 5 peuvent être réalisées dans un format audio ou vidéo. Le travail de chaque groupe est ensuite posté sur un mur collaboratif et l'étape 5 se fait comme décrite dans le point précédent.

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