[...] On n'a jamais bien jugé le romantisme ; qui l'aurait jugé ? Les critiques !!
Les romantiques, qui prouvent si bien que la chanson est si peu souvent l'œuvre,
c'est‑à‑dire la pensée chantée et comprise du chanteur ?
Car JE est un autre. Si le cuivre s'éveille clairon, il n'y a rien de sa faute. Cela
m'est évident. J'assiste à l'éclosion de ma pensée, je la regarde, je l'écoute, je lance
un coup d'archet : la symphonie fait son remuement dans les profondeurs, ou
vient d'un bond sur la scène.
Si les vieux imbéciles n'avaient pas trouvé du Moi que la signification fausse,
nous n'aurions pas à balayer ces millions de squelettes qui, depuis un temps
infini, ont accumulé les produits de leur intelligence borgnesse, en s'en clamant
les auteurs !
En Grèce, ai‑je dit, vers et lyres rythment l'Action. Après, musique et rimes
sont jeux, délassements. L'étude de ce passé charme les curieux : plusieurs
s'éjouissent1
à renouveler ces antiquités : c'est pour eux. L'intelligence universelle a toujours jeté ses idées, naturellement ; les hommes ramassaient une partie
de ces fruits du cerveau. On agissait par, on en écrivait des livres : telle allait la
marche, l'homme ne se travaillant pas, n'étant pas encore éveillé, ou pas encore
dans la plénitude du grand songe. Des fonctionnaires, des écrivains. Auteur,
créateur, poète, cet homme n'a jamais existé !
La première étude de l'homme qui veut être poète est sa propre connaissance,
entière ; il cherche son âme, il l'inspecte, il la tente, l'apprend. Dès qu'il la sait,
il doit la cultiver ; cela semble simple : en tout cerveau s'accomplit un développement naturel ; tant d'égoïstes se proclament auteurs ; il en est bien d'autres
qui s'attribuent leur progrès intellectuel ! — Mais il s'agit de faire l'âme monstrueuse : à l'instar2
des comprachicos3, quoi ! Imaginez un homme s'implantant
et se cultivant des verrues sur le visage.
Je dis qu'il faut être voyant, se faire voyant.
Le Poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous
les sens. Toutes les formes d'amour, de souffrance, de folie ; il cherche lui‑même, il épuise en lui tous les poisons, pour n'en garder que les quintessences4.
Comme.
Qui mutilaient des enfants pour les faire mendier.