Le problème essentiel est sans doute celui de la vérité en histoire. L'histoire, on le sait, est une connaissance du passé, produite à partir des traces conservées et des questions du présent [...]. En ce sens, l'histoire contrefactuelle, qui s'applique à inventer un passé « contrefait », semble de prime abord contraire aux principes de la discipline historique [...].
Le cinquième usage relève de ce qu'on a appelé « les futurs non advenus » ou « les futurs du passé ». Il s'agit alors d'explorer la façon dont les acteurs percevaient leur propre avenir, que ce soit en des moments précis – guerre, révolution – ou au quotidien. Deux aspects peuvent être pris en considération : soit la manière dont les contemporains percevaient les futurs de leur passé ou le fait que leur monde aurait pu être différent ; soit la façon dont les contemporains percevaient leur futur dans le présent, en considérant des futurs qui ne se sont pas réalisés et qui pourtant pesaient sur les manières de voir, d'anticiper et d'agir de l'époque [...].
La démarche contrefactuelle et ses prolongements constituent, sur un mode tour à tour scientifique, ludique et politique, un outil idéal pour tester la possible alliance entre l'exigence théorique des sciences sociales et la liberté narrative de la fiction. [...] [Le raisonnement contrefactuel] permet de se confronter concrètement à
la question des méthodes et des sources pour éprouver des issues plurielles, des futurs craints et espérés, des conditions de faisabilité ou des espaces de possibles. Il révèle que ces possibles du passé ne sont pas infinis, en faisant saillir les contraintes, les mécanismes de reproduction et les routines qui organisent les mondes sociaux étudiés. Il dévoile la force créatrice de l'événement, de moments décisifs [...].