Le Tour de France des compagnons

Le premier Compagnon qui arrivera [dans la ville] recevra la première accolade. Il sera tenu et obligé de mener boire l'arrivant avant de le faire reconnaître à quelque autre Compagnon ou Maître remercié¹, sous peine de vingt sols d'amende. [...] Si l'arrivant est dans l'intention de travailler dans la ville, le Rouleur² sera obligé de lui chercher de l'ouvrage et de lui fournir des outils pendant huit jours, au cas où le maître pour qui il travaille n'en ait pas. De plus, il sera obligé de lui chercher un logis de sûreté, le plus honnête et le plus avantageux qu'il pourra trouver.

Je partis de Rochefort au commencement du mois de juin 1837, ayant pour Compagnon de voyage un jeune Manceau surnommé le Triomphant (Chanteloup), ouvrier très distingué que j'estimais beaucoup. Nous visitâmes ensemble La Rochelle, Marans, Luçon et Bourbon-Vendée, sans éprouver la plus petite contrariété, recevant sur notre passage des marques de la plus parfaite fraternité de la part des camarades des villes où nous passions. [...] Nantes est une très belle ville, très florissante, très commerçante. Nous savions parfaitement cela ; mais nous savions aussi que, dans cette cité, comme dans toutes les autres, l'ouvrier sans ouvrage ou sans argent ne devait pas y être fort à l'aise. À l'époque dont je parle, les Compagnons Boulangers étaient bannis de la ville de Nantes¹ ; tout arrivant reconnu pour appartenir à cette société était à l'instant même accompagné hors des portes de la ville par un agent de police, comme on aurait pu le faire à un forçat ayant rompu son ban. Quelle humiliation !