PHILIPPE. – Partons ensemble ; redevenez un homme ; vous avez beaucoup fait, mais vous êtes jeune.
LORENZO. – Je suis plus vieux que le
bisaïeul1 de
Saturne2 ; je vous en prie, venez faire un tour de promenade.
PHILIPPE. – Votre esprit se torture dans l'inaction ; c'est là votre malheur. Vous avez des
travers3, mon ami.
LORENZO. – J'en conviens ; que les républicains n'aient rien fait à Florence, c'est là un grand travers de ma part. Qu'une centaine de jeunes étudiants, braves et déterminés, se soient fait massacrer en vain ; que Côme, un planteur de choux, ait été élu à l'unanimité ; oh ! je l'avoue, je l'avoue, ce sont là des travers impardonnables, et qui me font le plus grand tort.
PHILIPPE. – Ne raisonnons pas sur un événement qui n'est pas achevé. L'important est de sortir d'Italie ; vous n'avez pas encore fini sur la terre.
PHILIPPE. – Ne raisonnons pas sur un événement qui n'est pas achevé. L'important est de sortir d'Italie ; vous n'avez pas encore fini sur la terre.
LORENZO. – J'étais une machine à meurtre, mais à un meurtre seulement. […] Je ne puis que vous répéter mes propres paroles. Philippe, j'ai été honnête. Peut-être le redeviendrais-je sans l'ennui qui me prend. J'aime encore le vin et les femmes ; c'est assez, il est vrai, pour faire de moi un débauché, mais ce n'est pas assez pour me donner envie de l'être. Sortons, je vous en prie.
PHILIPPE. – Tu te feras tuer dans toutes ces promenades.
LORENZO. – Cela m'amuse de les voir. La récompense est si grosse qu'elle les rend presque courageux. Hier, un grand gaillard à jambes nues m'a suivi un gros quart d'heure au bord de l'eau, sans pouvoir se déterminer à m'assommer. […]
PHILIPPE. – Ô Lorenzo ! Lorenzo ! ton cœur est très malade ; c'était sans doute un honnête homme ; pourquoi attribuer à la lâcheté du peuple le respect pour les malheureux ?
LORENZO. – Attribuez cela à ce que vous voudrez. Je vais faire un tour au
Rialto4.
(Il sort.)
PHILIPPE, seul. – Il faut que je le fasse suivre par quelqu'un de mes gens. Holà ! Jean ! Pippo ! holà ! (
Entre un domestique) Prenez une épée, vous, et un autre de vos camarades, et tenez-vous à une distance convenable du seigneur Lorenzo, de manière à pouvoir le secourir si on l'attaque.
JEAN. – Oui, monseigneur. (
Entre Pippo.)
PIPPO. – Monseigneur, Lorenzo est mort. Un homme était caché derrière la porte, qui l'a frappé par-derrière comme il sortait.
PHILIPPE. – Courons vite ; il n'est peut-être que blessé.
PIPPO. – Ne voyez-vous pas tout ce monde ? Le peuple s'est jeté sur lui. Dieu de miséricorde ! on le pousse dans la
lagune5.
PHILIPPE. – Quelle horreur ! quelle horreur ! Eh ! quoi ! pas même un tombeau ?
(
Il sort.)