Socialisme... ou tentation capitaliste ?
Une « première » en Chine : la « zone économique spéciale » de Shenzen, proche de Hong Kong, a décidé en juillet de céder à bail des terres pour cinquante ans à des Chinois ou à des étrangers. Shanghai et l'île de Hainan ont aussitôt fait connaître leur intérêt pour de telles transactions. Or, fait significatif alors même que le congrès du Parti communiste était réuni, un responsable annonçait que Hainan deviendrait « zone économique spéciale » et pourrait céder des terres à des étrangers. [...] En ce [...] mois de septembre 1987, une délégation de la Banque mondiale étudiait à Pékin les plans de réforme économique, et s'en félicitait. Elle apprenait notamment, rapporte le Financial Times du 4 septembre, que les autorités, abandonnant la vieille politique d'autosuffisance, projettent de diversifier les productions agricoles dans les riches provinces côtières et ainsi de faire davantage dépendre l'économie des importations de céréales, et donc du marché mondial. La Chine, déclare le Premier ministre, veut « introduire chez elle toutes les méthodes communément utilisées sur le plan international pour développer l'économie des produits de base, mais dans les conditions du socialisme ».
Michel Chossudovsky, qui enseigne l'économie à l'université d'Ottawa, les résume en une formule plus générale, qui fournit le titre de son dernier ouvrage : « Vers une restauration du capitalisme ? Le socialisme chinois après Mao ». Un livre qui provoque, heurte : le chercheur canadien estime en effet que la Chine a rompu avec le socialisme et s'intègre à pas de géant dans le système capitaliste. Pour lui, la rupture s'est faite lorsque, en octobre 1976, la « bande des quatre » a été évincée du pouvoir, et elle a été officialisée lors des réformes de 1978 et 1979. Autrement dit, la dérive « droitière » a été la conséquence de l'échec de la Révolution culturelle, échec lui-même provoqué notamment par la persistance, dans les années qui ont précédé ce chambardement, de puissants courants, au sein de l'appareil de l'État et du parti, favorables à l'épanouissement d'une économie en fait capitaliste, même si elle est qualifiée de socialiste.
L'économie de marché ? Elle élimine les entreprises faibles (au lieu de les hisser à un niveau supérieur), accroît les disparités régionales (au profit des villes industrielles de la côte), favorise la fabrication de produits de luxe ou de semi-luxe, ou de biens destinés à l'étranger, au détriment de celle des biens de consommation courante. L'industrie lourde ne peut que pâtir de cette situation, au profit d'une industrie légère, dépendante, de surcroît, de la technique et du capital étrangers (ou chinois d'outre-mer). Une société duale se met ainsi en place, dont bénéficient de petites poches de citoyens pensant et consommant comme à Hong Kong.