Michel Strogoff est envoyé par le tsar de Russie à Irkoutsk, en Sibérie, pour avertir le frère du tsar qu'une attaque se prépare contre lui. Accompagné de son conducteur et de Nadia, jeune femme rencontrée durant son voyage, Michel Strogoff se retrouve pris au piège d'un violent orage dans les monts de l'Oural. Le conducteur perd alors le contrôle des chevaux.
À ce moment, Michel Strogoff, s'élançant d'un bond hors du tarentass1, lui vint en aide. Doué d'une force peu commune, il parvint, non sans peine, à maîtriser les chevaux.
Mais la furie de l'ouragan redoublait alors. [...] En même temps, une avalanche de pierres et de troncs d'arbres commençait à rouler du haut des talus.
« Nous ne pouvons rester ici, dit Michel Strogoff.
– Nous n'y resterons pas non plus ! s'écria l'iemschik2, tout effaré, en se raidissant de toutes ses forces contre cet effroyable déplacement des couches d'air. L'ouragan aura bientôt fait de nous envoyer au bas de la montagne, et par le plus court !
– Prends le cheval de droite, poltron3 ! répondit Michel Strogoff. Moi, je réponds de4 celui de gauche ! »
Un nouvel assaut de la rafale interrompit Michel Strogoff. Le conducteur et lui durent se courber jusqu'à terre pour ne pas être renversés ; mais la voiture, malgré leurs efforts et ceux des chevaux qu'ils maintenaient debout au vent, recula de plusieurs longueurs, et, sans un tronc d'arbre qui l'arrêta, elle était précipitée hors de la route.
« N'aie pas peur, Nadia ! cria Michel Strogoff.
– Je n'ai pas peur », répondit la jeune Livonienne5, sans que sa voix trahît la moindre émotion. [...]
Le danger alors n'était pas seulement dans ce formidable ouragan qui luttait contre l'attelage et ses deux conducteurs, mais surtout dans cette grêle de pierres et de troncs brisés que la montagne secouait et projetait sur eux.
Soudain, un de ces blocs fut aperçu, dans l'épanouissement d'un éclair, se mouvant avec une rapidité croissante et roulant dans la direction du tarentass.
L'iemschik poussa un cri.
Michel Strogoff, d'un vigoureux coup de fouet, voulut faire avancer l'attelage, qui refusa.
Quelques pas seulement, et le bloc eût passé en arrière !...
Michel Strogoff, en un vingtième de seconde, vit à la fois le tarentass atteint, sa compagne écrasée ! Il comprit qu'il n'avait plus le temps de l'arracher vivante du véhicule !...
Mais alors, se jetant à l'arrière, trouvant dans cet immense péril une force surhumaine, le dos à l'essieu, les pieds arc-boutés6 au sol, il repoussa de quelques pieds la lourde voiture.
L'énorme bloc, en passant, frôla la poitrine du jeune homme et lui coupa la respiration, comme eût fait un boulet de canon, en broyant les silex de la route, qui étincelèrent au choc.
« Frère7 ! s'était écriée Nadia épouvantée, qui avait vu toute cette scène à la lueur de l'éclair.
– Nadia ! répondit Michel Strogoff, Nadia, ne crains rien !...
– Ce n'est pas pour moi que je pouvais craindre !
– Dieu est avec nous, sœur !
– Avec moi, bien sûr, frère, puisqu'il t'a mis sur ma route ! » murmura la jeune fille.
La poussée du tarentass, due à l'effort de Michel Strogoff, ne devait pas être perdue. Ce fut l'élan donné qui permit aux chevaux affolés de reprendre leur première direction.