Tartuffe. – Mais si d'un œil bénin2 vous voyez mes hommages3, Pourquoi m'en refuser d'assurés témoignages ? Elmire. – Mais comment consentir à ce que vous voulez, Sans offenser le Ciel, dont toujours vous parlez ? Tartuffe. – Si ce n'est que le Ciel qu'à mes vœux on oppose, Lever un tel obstacle est à moi peu de chose, Et cela ne doit pas retenir votre cœur. Elmire. – Mais des arrêts4 du Ciel on nous fait tant de peur ! Tartuffe. – Je puis vous dissiper ces craintes ridicules, Madame, et je sais l'art de lever les scrupules. Le Ciel défend, de vrai, certains contentements,C'est un scélérat5 qui parle.Mais on trouve avec lui des accommodements. Selon divers besoins, il est une science D'étendre les liens6 de notre conscience, Et de rectifier le mal de l'action Avec la pureté de notre intention. De ces secrets, Madame, on saura vous instruire ; Vous n'avez seulement qu'à vous laisser conduire. Contentez mon désir, et n'ayez point d'effroi, Je vous réponds de tout, et prends le mal sur moi. Vous toussez fort, Madame. Elmire. – Oui, je suis au supplice. Tartuffe. – Vous plaît-il un morceau de ce jus de réglisse ? Elmire. – C'est un rhume obstiné, sans doute, et je vois bien Que tous les jus du monde ici ne feront rien. Tartuffe. – Cela, certe, est fâcheux. Elmire. – Oui, plus qu'on ne peut dire. Tartuffe. – Enfin votre scrupule est facile à détruire. Vous êtes assurée ici d'un plein secret, Et le mal n'est jamais que dans l'éclat7 qu'on fait ; Le scandale du monde8 est ce qui fait l'offense, Et ce n'est pas pécher que pécher en silence. Elmire, après avoir encore toussé. – Enfin je vois qu'il faut se résoudre à céder, Qu'il faut que je consente à vous tout accorder, Et qu'à moins de cela, je ne dois point prétendre Qu'on puisse être content, et qu'on veuille se rendre. Sans doute, il est fâcheux d'en venir jusque-là, Et c'est bien malgré moi que je franchis cela ; Mais puisque l'on s'obstine à m'y vouloir réduire, Puisqu'on ne veut point croire à tout ce qu'on peut dire, Et qu'on veut des témoins qui soient plus convaincants, Il faut bien s'y résoudre, et contenter les gens. Si ce consentement porte en soi quelque offense, Tant pis pour qui me force à cette violence ; La faute assurément n'en doit pas être à moi.
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j'ai une idée !
Oups, une coquille