GENGIS. – […] Tous deux je vous admire, et vous m'avez vaincu.
Je rougis, sur le trône où m'a mis la victoire,
D'être au‑dessous de vous au milieu de ma gloire.
En vain par mes exploits j'ai su me signaler ;
Vous m'avez avili1 : je veux vous égaler.
J'ignorais qu'un mortel pût se dompter lui‑même ;
Je l'apprends ; je vous dois cette gloire suprême :
Jouissez de l'honneur d'avoir pu me changer.
Je viens vous réunir : je viens vous protéger.
Veillez, heureux époux, sur l'innocente vie
De l'enfant de vos rois2, que ma main vous confie ;
Par le droit des combats j'en pouvais disposer ;
Je vous remets ce droit, dont j'allais abuser.
Croyez qu'à cet enfant, heureux dans sa misère,
Ainsi qu'à votre fils, je tiendrai lieu de père :
Vous verrez si l'on peut se fier à ma foi.
Je fus un conquérant, vous m'avez fait un roi.
(À Zamti.)
Soyez ici des lois l'interprète suprême ;
Rendez leur ministère3 aussi saint que vous‑même ;
Enseignez la raison, la justice, et les moœrs.
Que les peuples vaincus gouvernent les vainqueurs,
Que la sagesse règne, et préside au courage ;
Triomphez de la force, elle vous doit hommage :
J'en donnerai l'exemple, et votre souverain
Se soumet à vos lois les armes à la main.
IDAMÉ. – Ciel ! Que viens-je d'entendre ? Hélas ! Puis‑je vous croire ?
ZAMTI. – Êtes‑vous digne enfin, seigneur, de votre gloire ?
Ah ! Vous ferez aimer votre joug aux vaincus.
IDAMÉ. – Qui peut vous inspirer ce dessein ?
GENGIS. – Vos vertus.