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Carte d'identité
Origine
Après les innovations formelles de Proust et Joyce au début du XXe siècle, le Nouveau Roman va plus loin dans la rupture avec les formes traditionnelles du récit réaliste.
Contexte
Le Nouveau Roman nait après les horreurs de la Seconde Guerre mondiale et en même temps que les expérimentations formelles du théâtre de l'absurde (voir
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Naissance du Nouveau Roman
Le Nouveau Roman nait au milieu des années 1950 autour
d'une maison d'édition, Les Éditions de Minuit, et de son
éditeur, Jérôme Lindon. Alain Robbe-Grillet, Claude Simon,
Nathalie Sarraute, Samuel Beckett, Marguerite Duras ou
encore Michel Butor estiment que, suite à l'effondrement
de toutes les valeurs et certitudes provoqué par la Seconde
Guerre mondiale, il est nécessaire de remettre en cause le
modèle romanesque tel qu'il a été hérité du XIXe siècle. À
un monde nouveau, celui de l'après-guerre, doivent correspondre
des formes romanesques nouvelles, marquées par
l'impossibilité d'accéder à quelque certitude que ce soit et
l'incapacité des mots à pouvoir dire le monde.
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La mort de l'intrigue
Pour Nathalie Sarraute, nous sommes entrés dans « l'ère du
soupçon », dans laquelle les lecteurs et les lectrices ne veulent
plus avoir l'impression qu'on leur raconte des histoires.
Dans la continuité des explorations de Proust et de Joyce,
le Nouveau Roman s'intéresse aux flux de conscience. Sarraute
propose la notion de tropismes pour parler de ces
« moments indéfinissables qui glissent très rapidement aux
limites de notre conscience ; ils sont à l'origine de nos gestes,
de nos paroles, des sentiments que nous manifestons, que
nous croyons éprouver » (L'Ère du soupçon).
Est ainsi rejetée la vision du roman nécessairement fondé
sur une intrigue et reposant sur une chronologie claire. Au
contraire, des descriptions minutieuses se développent, empêchant
la progression de l'intrigue. La chronologie peut être
brouillée par la répétition des mêmes scènes (voir
Si l'heure du romanesque est vraiment passée et que
le roman doive malgré tout durer, ce sera évidemment
sous la forme d'un roman sans romanesque. Ce à quoi il
nous faut renoncer maintenant, c'est à la vieille définition :
« Écrire un roman c'est raconter une histoire. » Il n'est
pas certain que l'anecdote doive tout a fait disparaître
(probablement d'ailleurs n'est-ce pas possible), mais, de
même que le personnage, elle perdra progressivement
de son importance, s'amenuisera de plus en plus. […]
Non, le roman a perdu lui-même la confiance qu'il avait
dans sa propre anecdote : elle ne peut plus lui servir de
soutien. S'il veut survivre, il faudra bien qu'il en cherche
un autre.
Tous les éléments techniques du récit – emploi systématique
du passé simple et de la troisième personne,
adoption sans condition du déroulement chronologique,
intrigues linéaires, courbe régulière des passions,
tension de chaque épisode vers une fin, etc. –, tout
visait à imposer l'image d'un univers stable, cohérent,
continu, univoque, entièrement déchiffrable.
Alain Robbe-Grillet
Pour un nouveau roman, Les Éditions de Minuit, 1963.
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La mort du personnage
Le Nouveau Roman remet en question la nécessité de s'identifier
aux personnages. Le recours à la focalisation externe
amoindrit les fonctions du narrateur ou de la narratrice.
Les objets de la vie quotidienne deviennent des protagonistes,
à la place des personnages. Ces derniers deviennent inconsistants, inutiles : souvent, ils n'ont pas d'identité clairement définie et ils sont, par exemple, nommés par des initiales. Dans La Jalousie de Robbe-Grillet, on ne sait rien du narrateur : il est réduit à un regard (voir
En fait, les créateurs de personnages, au sens traditionnel,
ne réussissent plus à nous proposer que des
fantoches auxquels eux-mêmes ont cessé de croire. Le
roman de personnages appartient bel et bien au passé,
il caractérise une époque : celle qui marqua l'apogée de
l'individu.
Peut-être n'est-ce pas un progrès, mais il est certain que
l'époque actuelle est plutôt celle du numéro matricule.
[…] Avoir un nom, c'était très important sans doute au
temps de la bourgeoisie balzacienne. […]
Notre monde, aujourd'hui, est moins sûr de lui-même,
plus modeste peut-être puisqu'il a renoncé à
la toute-puissance de la personne, mais plus ambitieux
aussi puisqu'il regarde au-delà. Le culte exclusif de
« l'humain » a fait place à une prise de conscience plus
vaste, moins anthropocentriste.
Alain Robbe-Grillet
Pour un nouveau roman, Les Éditions de Minuit, 1963.
Doc. 1
Kasimir Malevitch, Buste de femme
Le zoom est accessible dans la version Premium.
Kasimir Malevitch, Buste de femme, vers 1933, huile sur bois,
73 x 52,8 cm, musée national russe, Saint-Pétersbourg, Russie.
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Des œuvres destabilisantes
Les écrivains et écrivaines du Nouveau Roman donnent à voir le travail de l'écriture.
Ils nous incitent à sortir de notre confort habituel : par cette révolution romanesque, nous sommes impliqué(e)s dans la création du sens. Cette révolution romanesque suscite donc une démarche active de notre part.
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Questions
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Comprendre
1. Texte A a. À quoi Robbe-Grillet recommande-t-il de renoncer ?
b. Pourquoi ?
2. Texte B
Comment comprenez-vous l'expression « notre époque actuelle est plutôt celle du numéro matricule » ?
Retenir
3. Quiz numériqueVérifiez votre compréhension de la leçon en effectuant le