Français 1re

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Repères - Histoire
Partie 1 • Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle
L’épopée antique et la chanson de geste
La fin’amor et les romans de chevalerie
Récits comiques médiévaux et humanistes
Fictions baroques
Le classicisme
Les romans épistolaires
Le romantisme
Le réalisme
Le naturalisme
Les récits de guerre
L’exploration de la conscience
Interroger l’existence humaine
Les récits de vie
Partie 2 • La littérature d’idées du XVIe au XVIIIe siècle
L’humanisme à la Renaissance
Le baroque
Le libertinage
Les moralistes de l’époque classique
Les philosophes des Lumières
Partie 3 • Le théâtre du XVIIe au XXIe siècle
Le théâtre baroque
La tragédie classique
La comédie classique
Le théâtre au siècle des Lumières
Le drame romantique et le théâtre de boulevard
Les réécritures des mythes antiques
Du théâtre de la cruauté au théâtre de l’absurde
Le théâtre engagé
Les nouvelles formes de théâtre
Partie 4 • La poésie du XIXe au XXIe siècle
La poésie romantique
Le Parnasse
Les poètes maudits
Le symbolisme
Le surréalisme et l’OuLiPo
La poésie engagée : Résistance, négritude, créolité
La poésie contemporaine
Pour aller plus loin
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Chapitre 1.13
Texte C
Exclusivité numérique

Italo Calvino, Si une nuit d'hiver un voyageur (1979)

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Texte

Le roman commence dans une gare de chemin de fer, une locomotive tonne, un postillon de piston couvre l'ouverture du chapitre, un nuage de fumée cache une partie du premier alinéa. Dans l'odeur de gare passe une bouffée d'odeur de buffet de gare. Il y a quelqu'un qui regarde à travers les vitres embuées, il ouvre la porte vitrée du bar, tout est brumeux, même à l'intérieur, comme vu à travers les yeux d'un myope, ou à travers des yeux irrités par des escarbilles1. Ce sont les pages du livre qui sont embuées, comme les vitres d'un vieux train, c'est sur les phrases que se pose le nuage de fumée. [...] Les gares se ressemblent toutes ; que les lampes ne parviennent pas à éclairer plus loin que leur halo importe peu, car c'est un endroit que tu connais par cœur, avec l'odeur du train qui reste même après que tous les trains sont partis, cette odeur spéciale des gares après que le dernier train est parti. Tu as l'impression que les lampes de la gare et les phrases que tu es en train de lire ont pour tâche de dissoudre les choses qui affleurent2 d'un voile d'obscurité et de brouillard, plutôt que de les indiquer. Quant à moi, c'est la première fois de ma vie que je débarque dans cette gare, et il me semble déjà que j'y ai passé une vie entière, à entrer et à sortir de ce bar, à passer de l'odeur sous la véranda à l'odeur de sciure des cabinets, tout cela mélangé en une seule senteur qui est celle de l'attente, l'odeur des cabines téléphoniques quand il n'y a plus qu'à récupérer les jetons parce que le numéro appelé ne donne pas signe de vie.

Moi je suis l'homme qui va et vient entre le bar et la cabine téléphonique. C'est‑à‑dire : cet homme qui s'appelle « moi » et dont tu ne sais rien d'autre, tout comme cette gare s'appelle seulement « gare », et hormis cette gare, il n'y a rien d'autre que le signal sans réponse d'un téléphone qui sonne dans une pièce obscure d'une ville lointaine. Je repose le combiné, en attendant le tonnerre de ferraille qui va descendre dans le gosier métallique, je reviens pousser la porte vitrée, je me dirige vers les piles de tasses qui sèchent dans un nuage de vapeur. [...]

Cela fait quelques pages que tu es engagé dans ta lecture et il serait temps qu'on te dise clairement si la gare dans laquelle je suis descendu d'un train en retard est une gare d'autrefois ou une gare d'aujourd'hui ; alors que les phrases continuent à se mouvoir dans l'indéterminé, dans le gris, dans une espèce de no man's land de l'expérience réduite à son plus petit dénominateur commun. Fais attention : il s'agit sans doute d'un système destiné à t'impliquer petit à petit, à t'entraîner dans l'affaire sans que tu t'en rendes compte : un piège. Ou peut‑être l'auteur est‑il encore indécis, comme du reste toi‑même, lecteur, tu ne sais pas encore avec certitude ce que tu aimerais lire : si c'est l'arrivée dans une vieille gare, qui te donnerait le sentiment d'un retour en arrière, de retrouvailles avec des temps et des lieux désormais perdus, ou si c'est l'éclat de lumières et de sons qui te donneraient le sentiment d'être en vie aujourd'hui [...].
Traduit de l'italien par Martin Rueff, © Éditions Gallimard, 2015.
1. Petit morceau de charbon encore incandescent.
2. Apparaissent à la surface.
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Éclairage

"Si nous connaissons les « règles » du jeu romanesque, [...] nous pourrons jouer au roman comme on joue aux échecs, avec une absolue loyauté, en rétablissant une communication entre l'écrivain, pleinement conscient des mécanismes dont il est en train de faire usage, et le lecteur qui accepte le jeu parce qu'il en connaît les règles et sait qu'il ne peut plus être pris au piège."
Italo Calvino
La Machine littérature, 1984.
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Questions

1. Montrez comment l'auteur, en brouillant les frontières entre fiction et réalité, dévoile le processus de la création littéraire.

2.
Grammaire
Transformez l'extrait souligné en interrogation directe. Expliquez les modifications opérées.
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