Le Songe ou les Thermopyles1
Silence, enfants des Grecs, à tous vos chants de mort !
Vous ne traînerez plus la chaîne des esclaves ;
Sur la rive sanglante et pour le front des braves
Les
palmes2 des guerriers reverdiront encor.
Mais
vous3 qu'enorgueillit un éclair de victoire,
Vous tomberez, courbés par un souffle vengeur,
Quand le noble martyr emportera, vainqueur,
Tout une éternité de gloire.
Réveillez‑vous, fils de Léonidas :
Un moment de revers n'éteint pas le courage ;
Allez braver encor le destin des combats ;
La liberté, voilà votre héritage :
Des pleurs ne la rachètent pas.
Du sang des ennemis rougissez votre lance ;
Tous ceux dont vous foulez les ossements épars
Vous ont laissé pour glaives leur vengeance,
Leur souvenir pour étendards.
Le fardeau du malheur vainement vous opprime ;
Marchez ! le sort plus juste a marqué la victime,
Livrez‑vous au désir qui s'éveille en vos cœurs.
Déjà, vous ombrageant de son aile divine,
Un ange protecteur sur vous plane et s'incline ;
Et les échos de
Salamine4
Vont bientôt répéter vos chants triomphateurs.
Écoutez : À cette heure où le sommeil réclame
Nos membres fatigués qu'enchantent ses douceurs,
Où nos sens engourdis laissent vieillir notre âme,
Où la pensée est libre en ses vagues erreurs,
La mienne colorait un songe
D'un reflet de la vérité ;
Mais rêver vos succès n'était pas un mensonge ;
Et vous me répondrez de la réalité.
(Janvier 1827)