La confrontation avec la mort de masse est sans doute l'expérience fondamentale de la guerre [...]. Les guerres modernes ont obligé, pour la première fois, de nombreux individus à affronter une mort massive et organisée [...]. Deux fois plus d'hommes sont morts dans la bataille ou des suites de leurs blessures pendant la guerre des tranchées que dans tous les autres grands conflits de 1790 à 1914. Certains chiffres révèlent clairement l'ampleur sans précédent de la tuerie qui a envahi la mémoire de cette guerre. Quelques dix millions d'hommes moururent pendant la Première Guerre mondiale alors que Napoléon, lors de la campagne de Russie, la plus sanglante jusqu'alors, perdit 400 000 hommes (environ 600 000 hommes, dans les deux camps, tombèrent lors de la bataille de la Somme en 1916 qui ne marqua d'avancée pour personne). [...] Lorsqu'éclata la Première Guerre mondiale, le souvenir des terribles pertes des guerres napoléoniennes s'était estompé ; le nombre des morts de guerre du XIXe siècle ne pouvait se comparer à ce qui allait advenir. L'étendue sans précédent de ce désastre demandait un effort beaucoup plus important pour cacher et sublimer la mort des soldats.