Français 1re

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Repères - Histoire
Partie 1 • Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle
L’épopée antique et la chanson de geste
La fin’amor et les romans de chevalerie
Récits comiques médiévaux et humanistes
Fictions baroques
Le classicisme
Les romans épistolaires
Le romantisme
Le réalisme
Le naturalisme
Les récits de guerre
L’exploration de la conscience
Interroger l’existence humaine
Le Nouveau Roman
Les récits de vie
Partie 2 • La littérature d’idées du XVIe au XVIIIe siècle
L’humanisme à la Renaissance
Le baroque
Le libertinage
Les moralistes de l’époque classique
Les philosophes des Lumières
Partie 3 • Le théâtre du XVIIe au XXIe siècle
Le théâtre baroque
La tragédie classique
La comédie classique
Le théâtre au siècle des Lumières
Le drame romantique et le théâtre de boulevard
Les réécritures des mythes antiques
Du théâtre de la cruauté au théâtre de l’absurde
Les nouvelles formes de théâtre
Partie 4 • La poésie du XIXe au XXIe siècle
La poésie romantique
Le Parnasse
Les poètes maudits
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La poésie engagée : Résistance, négritude, créolité
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Chapitre 3.8
Texte B

Valérie Goma, Cahier d'un impossible retour (2003)

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Texte

Écrite lors d'une résidence d'auteurs en France, cette pièce a été créée pour la scène au Burkina Faso, puis a été jouée en tournée en Guyane, à Haïti, en Guadeloupe, au Brésil, au Surinam et au Sénégal. Elle est centrée sur Djibril, qui est né dans un pays africain (non précisé) et vit en France, où il n'a pas pu renouveler son titre de séjour.

Cauchemar.
Un lit ancien, haut, en bois, impeccablement fait, avec édredon, traversin et couvre‑lit grand‑mère comme dans les vieilles fermes. Djibril, très agité, marche de long en large…


DJIBRIL. – Et peut‑être elle m'entourait de ses pagnes, ou la peau de son ventre même ou je ne sais pas. Elle avait tendu une paroi entre moi et le monde, et le monde – mon père peut‑être –, le monde a déchiré l'enveloppe de sécurité, comme on déchire un emballage, un film protecteur. Et ma mère s'est battue pour me garder, mais le monde m'a aspiré, et le monde m'a ordonné de vivre.
C'était un monde qui avait du blé, un monde doré avec du luxe qui sent le propre et qui brille trop. Le type qui est venu te1 chercher était net, propre sur lui, mais surtout il avait des biffetons. Le monde qui brille t'a acheté en faisant une bonne action. T'avais l'air assez vaillant pour tenir le coup, ils ont dû regarder tes dents, à coup sûr ils ont regardé tes dents.
T'avais l'air assez vaillant pour tenir le coup, on allait te booster ta croissance, même si tu devenais pas un sportif de haut niveau, peut‑être tu ferais droit ou médecine, et si tu échouais ça serait quand même assez pour retourner ministre dans ton pays, au moins haut fonctionnaire, c'est ça qu'ils ont dû se dire, t'étais suffisamment propre pour qu'on puisse espérer faire de toi quelqu'un.

Djibril s'enfouit sous les draps…

LIZA2. – Vas‑y si tu l'oses ! Va pleurer dans les jupes de ta mère, après tout ce temps.

L'AMI. – Rentre chez toi et dis à ta mère combien tu l'aimes.

LIZA. – Où vas‑tu ? À toujours regarder derrière toi, à toujours regarder le passé, tu te freines ! Va, fais ton chemin, ton passé tu le portes en toi, ça au moins tu ne le perdras pas.

L'AMI. – Tout faux. Ton passé habite en toi, et si tu ne le regardes pas en face… Si tu n'es pas capable de le regarder, il te mangera de l'intérieur, il te pourrira la vie. Une force centrifuge, ou centripète je ne sais plus. Va, retourne voir d'où tu viens, tu as cette alternative…

LIZA. – Puisqu'il te faut fuir, puisque tu n'es pas capable de trouver ta respiration, de recevoir mon amour. Puisqu'il te faut toujours briser ce que tu as de plus précieux, puisque même le bonheur te fait peur.

L'AMÈRE. – Tu sais depuis longtemps qu'on t'appelle, d'où on t'a arraché si jeune et si fragile. Tôt ou tard on revient à la source, car où que tu sois la source est en toi.

LIZA. – Tu te sentiras tout petit dans cet aéroport du bout du monde, scrutant à la dérobée des visages étrangers, lorgnant par en dessous les vestiges d'une enfance perdue, et tu avanceras épaules courbées, tête basse.

LILITH3. – Tu ne me connais pas mais moi je te connais. Tu iras tête haute, convaincu d'avancer définitivement à la rencontre de ton destin. La terre devinera les pas de l'enfant du pays, elle fera résonner les rythmes du retour.

L'AMI. – Même tes cloisons nasales vibreront de concert dans une fête d'odeurs d'enfance ressuscitées. Sur la route de l'aéroport les bougainvilliers4 te tendront leurs grappes et les palmiers te souriront, baigné de soleil ton visage irradiera.

LIZA. – Tu arriveras, chargé de tous tes espoirs dans ton sac, et à peine ton sac posé dans la poussière il crèvera comme neige au soleil, tes espoirs s'évaporeront et tes cadeaux se disperseront, tous ces petits cadeaux que je t'aurais préparés avec soin aussitôt distribués à des dizaines de mains tendues, ces cadeaux happés que tu n'auras plus le temps d'offrir avec discernement devant l'urgence de la demande. Et ta montre, et ta chemise, tu les abandonneras aussi dans le nuage de poussière, jusqu'à ce que tu te trouves nu. Comme un ver…

L'AMI. – Tu tiendras ta valise dans ta main, et même le chemin de poussière te reconnaîtra. Tu le reconnaîtras sans le connaître et tu respireras la poussière immédiatement familière de la piste. Au carrefour tu trouveras le champ des morts et tes pas sans hésitation te conduiront à l'emplacement des tiens. Tu sauras d'où tu viens, tu sauras où aller.

LILITH. – Tu sauras d'où tu viens, tu sauras où aller.

LIZA. – Et tu trouveras le cimetière, et tu marcheras de long en large par‑dessus les tombes sauvages, à la recherche de ces dépouilles anéanties. [...] Les vautours riront, tu oublieras ce que tu as quitté, tu oublieras ce que tu venais chercher, ton ailleurs se dérobera, et ton maintenant et ton demain…

LILITH. – Et le goût de la terre mouillée, la motte révulsée sous l'épaisse goutte de pluie tropicale…

L'AMI. – Car il pleuvra c'est sûr, le jour où tu retrouveras ton enfance.

LIZA. – Il neigera, plutôt. Il neigera ce jour‑là.

Djibril se réveille en sursaut, essuie frénétiquement tout son corps avec le drap, va ouvrir des volets sur un paysage de moyenne montagne éclatant de lumière. Il sourit, s'apprête à ouvrir la fenêtre. Noir.
© Éditions Textes en Paroles, 2014.
<1. Djibril se parle à lui‑même.
2. Son amie apparait dans son cauchemar.
3. La belle‑sœur de Djibril, qui vit avec la mère de celui‑ci.
4. Plante grimpante des régions chaudes, à fleurs en grappes.
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Doc. 

Kaaria Mucherera, Jeune
homme à la capuche, 2007,
huile et acrylique sur toile,
102 × 76 cm, collection privée
Le zoom est accessible dans la version Premium.
Kaaria Mucherera, Jeune homme à la capuche, 2007, huile et acrylique sur toile, 102 × 76 cm, collection privée.
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Questions

1. Comment l'impossible retour au pays natal est‑il évoqué dans ce cauchemar ?

2.
Grammaire
a. Dans la phrase soulignée, réécrivez l'opposition sous la forme d'une proposition subordonnée, que vous analyserez.

b. Faites de même avec l'expression du but.
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