Il ne m'a jamais semblé possible que l'homme et la femme fussent deux êtres absolument distincts. Il y a diversité d'organisation et non pas différence.
Il y a donc égalité et non point similitude. J'admets
physiologiquement que le caractère a un sexe comme le corps, mais non pas l'intelligence. Je crois les femmes aptes à toutes les sciences, à tous les arts et même à toutes les fonctions comme les hommes.
[Mais] il faut que la femme conserve son sexe et ne supprime de ses habitudes et de ses occupations rien de ce qui peut le manifester. Il serait monstrueux qu'elle
retranchât de sa vie et de ses devoirs, les soins de l'intérieur et de la famille. Je voudrais au contraire agrandir pour elle ce domaine que je trouve trop restreint. Je voudrais qu'elle pût s'occuper davantage de l'éducation de ses enfants, compléter celle de ses filles et préparer celle que ses fils doivent recevoir de l'État à un certain âge. Je voudrais qu'elles fussent admises à de certaines fonctions de comptabilité patientes et minutieuses qui me paraissent ouvrages et préoccupations de femmes plus que d'hommes. Je voudrais qu'elles pussent apprendre et exercer la médecine, la chirurgie et la pharmacie. Elles me paraissent admirablement douées par la nature pour remplir ces fonctions, et la morale publique, la pudeur semblent commander que les jeunes filles et les jeunes femmes ne soient pas interrogées, examinées et touchées par des hommes. [...]
Les femmes doivent-elles participer un jour à la vie politique ? Oui, un jour, je le crois avec vous, mais ce jour est-il proche ? Non, je ne le crois pas, et pour que la condition des femmes soit ainsi transformée, il faut que la société soit transformée radicalement. [...]
La femme étant sous la tutelle et dans la dépendance de l'homme par le mariage, il est absolument impossible qu'elle présente des garanties d'indépendance politique, à moins de briser individuellement et au mépris des lois et des moeurs,
cette tutelle que les moeurs et les lois consacrent. [...]
Pour ne pas laisser d'ambiguïté dans ces considérations que j'apporte, je dirai toute ma pensée sur ce fameux affranchissement de la femme dont on a tant parlé dans ce temps-ci. Je le crois facile et immédiatement réalisable, dans la mesure que l'état de nos moeurs comporte. Il consiste simplement à rendre à la femme les droits civils que le mariage seul lui enlève, que le célibat seul lui conserve ; erreur détestable de notre législation qui place en effet la femme dans la dépendance cupide de l'homme, et qui fait du mariage une condition
d'éternelle minorité.