Jamais je n'ai compris qu'il y eût un sexe pour lequel on cherchât à
atrophier l'intelligence comme s'il y en avait trop dans la race. Les filles, élevées dans la niaiserie, sont désarmées tout exprès pour être mieux trompées : c'est cela qu'on veut. C'est absolument comme si on vous jetait à l'eau après vous avoir défendu d'apprendre à nager, ou même lié les membres.
Sous prétexte de conserver l'innocence d'une jeune fille, on la laisse rêver, dans une ignorance profonde, à des choses qui ne lui feraient nulle impression si elles lui étaient connues par de simples questions de botanique ou d'histoire naturelle.
Mille fois plus innocente elle serait alors, car elle passerait calme à travers mille choses qui la troublent : tout ce qui est une question de science ou de nature ne trouble pas les sens.
Est-ce qu'un cadavre émeut ceux qui ont l'habitude de
l'amphithéâtre ? Que la nature apparaisse vivante ou morte, elle ne fait pas rougir. Le mystère est détruit, le cadavre est offert au scalpel.
La nature et la science sont propres, les voiles qu'on leur jette ne le sont pas.
Ces
feuilles de vigne tombées
des pampres du vieux
Silène ne font que souligner ce qui passerait inaperçu. Les Anglais font des races d'animaux pour la boucherie ; les gens civilisés préparent les jeunes filles pour être trompées, ensuite ils leur en font un crime et un presque honneur au séducteur. Quel scandale quand il se trouve de mauvaises têtes dans le troupeau ! Où en serait-on si les agneaux ne voulaient plus être égorgés ?
Il est probable qu'on les égorgerait tout de même, qu'ils tendent ou non le cou. Qu'importe ! Il est préférable de ne pas le tendre.
Quelquefois les agneaux se changent en lionnes, en tigresses, en pieuvres.