Le mouvement des femmes a d'abord cru à sa naissance spontanée, irruption dans une histoire qui nous avait toujours ignorées. Les sorcières folles, les bourgeoises revendicatrices et
les suffragettes excitées étaient nos seuls points de repère, préjugés sagement appris à
l'école patriarcale. [...]
Les amazones et les sorcières furent alors nos références parlées, amour du mythe plutôt que de l'histoire. Bourgeoises ou socialistes, les femmes de la Révolution et du XIX
e siècle apparurent comme celles qui se battaient pour les femmes. C'est à la fin du XIX
e siècle qu'apparaît le terme féminisme. [...]
Nous ne sommes plus seules, ni aujourd'hui, ni hier. L'histoire n'est plus seulement celle des hommes, la nôtre était
occultée, il faut la faire revivre [...].
Redire l'Histoire pour mieux vivre celle qui se fait et se vit aujourd'hui, nos blocages, nos déplacements et nos pas en avant…
Histoire des luttes jusqu'ici enfouie et occultée, à côté ou contre l'histoire des hommes ? Histoire en mouvement, siècle après siècle,
dialectique de l'oppression vers notre libération…
L'histoire des luttes n'est pas toute l'histoire. Dans les livres, on parle bien des femmes passées, non de leurs révoltes, mais de leur condition. Un peu comme si c'était les coulisses de la vie politique, à la rubrique quotidien ; histoire immobile dans ses changements, histoire de ce qu'on appelle les stéréotypes féminins, mère, épouse, gardienne du foyer ou éducatrice.
Les femmes se retrouvent souvent dans un paragraphe ou dans un chapitre ; or, nous, nous voulons un livre, non pour souligner notre rôle ou nos vies, mais parce que retrouver l'histoire des femmes, ce n'est pas compléter un savoir, mais le mettre en cause. On ne pourra plus raconter le mouvement ouvrier sans parler de son rapport aux ouvrières, raconter l'expansion de la médecine sans reconnaître que les hommes en ont chassé les femmes. On ne pourra plus oublier que la vie privée est politique et qu'il ne suffit pas de le dire.
Une histoire, des histoires, notre histoire :
– pour étirer notre existence
en deçà de notre présent jusqu'aux grands-mères de nos grands-mères ;
– pour y puiser la confiance ;
– pour mieux vivre aujourd'hui de notre libération. Où sont nos contradictions, nos impasses et nos découvertes ?