Avec ses commerces, ses cafés, ses squares et ses terrains de jeux, l'espace
public apparaît ouvert et mixte. Pourtant, plusieurs études et expériences
montrent que la ville demeure un lieu sexué. […]
Selon le sexe, l'usage de la rue n'est donc pas le même : les hommes
occupent les trottoirs, les cafés, les bas d'immeubles de manière statique ;
les femmes, elles, ne stationnent pas. Elles sont en mouvement, flânant
rarement et évitant les lieux trop masculins. Leur usage de la rue est plus
pratique que ludique : aller chez le médecin ou au métro pour rejoindre son
travail, faire ses courses…
C'est ce qu'a pu mettre au jour l'ethnologue-urbaniste1 Marie-Christine
Hohm dans une étude réalisée en 2012 dans le quartier du Grand Parc,
dans le nord de Bordeaux, auprès de femmes recrutées en trois groupes :
lycéennes et étudiantes, femmes précaires et isolées, et seniors. Toutes
avaient une « carte mentale » de leur quartier avec des rues fréquentées et
d'autres à éviter […].
Jeunes ou plus anciennes, elles adoptent des stratégies pour ne pas se
faire remarquer et être tranquilles, surtout le soir. Vêtements passe-partout,
baskets, marchant vite sans répondre aux interpellations, un baladeur sur
les oreilles. Elles sortent de préférence en groupe. Dans les transports, elles
s'assoient près du chauffeur. « Les femmes ne se sentent pas légitimes dans l'espace
public. Elles n'y sont pas avec la même insouciance », assure Mme Hohm.
Chercheuse qui se penche sur les problèmes liés à la ville avec une démarche d'enquêtes sur le terrain.