Mécontent des décisions prises par le roi Louis XI sous l'influence des ordres mendiants (ordres religieux qui prônent l'austérité mais qui, paradoxalement, s'enrichissent), Rutebeuf reprend les personnages du Roman de Renart
pour dénoncer la crédulité des rois, séduits par de mauvais conseillers. Renart est un moine à la cour du roi Noble le lion.
Renart est mort,
Renart est vivant2,
Renart est abject, Renart est
vil3,
Et Renart règne !
Renart règne depuis longtemps sur le royaume ;
Il y chevauche à loisir les rênes lâchés,
Au grand galop.
Le bruit court qu'on l'aurait pendu
C'est du moins ce que j'avais entendu,
Mais, à dire vrai, il n'en est rien :
Vous le comprendrez bien vite.
Il est le maître de tous les biens
De Monseigneur Noble,
Et des champs et des vignes.
À
Constantinople4,
Renart a tout bien manigancé,
Dans les maisons comme dans les caves.
Il n'a même pas laissé deux navets
À l'empereur :
Il en a fait au contraire un pauvre pécheur ;
Encore un peu plus, et il en faisait un pêcheur
De pleine mer5.
Il n'y a rien à
aimer6 en Renart
Car Renart n'est rien d'autre qu'
amer6,
C'est sa façon d'être. […]
Renart est propre à déclencher une guerre
Dont le pays
Ne pourrait pas se relever.
Monseigneur Noble le lion
Est persuadé que son salut
Dépend de Renart.
En fait, pas du tout ; qu'il s'adresse plutôt à Dieu !
J'ai bien peur qu'il ne récolte au contraire
Préjudice et honte.