Olawale Adebiyi, le patron de Wecyclers, la première entreprise de recyclage de déchets au Nigeria, court de rendez‑vous en rendez‑vous, au rythme fou de cette ville de vingt millions d'habitants. Dans cette métropole tentaculaire, qui génère un tiers du produit intérieur brut national, où les loyers sont parfois plus chers qu'à Paris, il n'y a toujours pas d'égouts, et les montagnes d'ordures s'étendent sur des centaines de mètres. « On a décidé de ne plus attendre que le gouvernement se bouge. On fait les choses nous-mêmes », lance le trentenaire […]. À Lagos, l'accès à l'électricité est un luxe, et la collecte des ordures l'apanage des zones aisées. « Le gouvernement a privatisé une grande partie de la gestion des déchets, et les entreprises opèrent dans les quartiers riches. Dans le reste de la métropole, personne ne les ramasse », explique Olawale Adebiyi. En l'espace de plusieurs années, les autorités fédérales ont en effet privatisé nombre de services publics […].
À Lagos, où émergent chaque jour des aventures entrepreneuriales, de jeunes développeurs ont justement choisi de surfer sur les failles du système public pour faire des affaires. En 2012, Bilikiss Abiola, la soeur d'Olawale Adebiyi, a lancé un concept innovant : utiliser une flotte de vélos cargos pour transporter les détritus vers des centres de recyclage et encourager les citoyens à récupérer euxmêmes les déchets en les rétribuant grâce à un système de points échangeables contre des objets électroniques ou de l'argent. […] « Le bénéfice est double : les gens gagnent de l'argent, et les rues sont plus propres… Sans parler de l'impact environnemental », poursuit M. Adebiyi dans l'un des entrepôts de Wecyclers, à Lagos Island, où des travailleurs en gilet fluo trient et découpent du plastique pour fabriquer des matelas vendus en Inde. […] « Ici, les besoins sont assez primaires. Les start-up qui marchent sont celles qui remplissent le vide laissé par l'État », analyse Olufunbi Falayi, à la tête de Passion Incubator. Installé à Yaba, un quartier de Lagos surnommé « Yabacon Valley », l'incubateur investit dans les jeunes pousses spécialisées dans l'agritech, la fintech, l'e‑commerce et les solutions innovantes dans le domaine de la santé.