Beauvallon, au pied du parc national des Calanques et à deux pas de la prison des Baumettes… Ce quartier du 9e arrondissement de Marseille est l'un des rares ensembles à ne pas avoir encore dressé de murs entre ses 700 logements et le reste du monde. Grilles, clôtures, portails automatiques... Dans les quinze dernières années, les « communautés emmurées » sont devenues un élément constitutif de l'habitat marseillais. Selon une étude de l'université Aix‑Marseille, 29 % des logements se situent désormais dans des résidences clôturées. Ce qui lamine l'image de ville « capitale du vivre‑ensemble » régulièrement servie par les politiques locaux. Si le phénomène touche toute la France, « à Marseille, la tendance au cloisonnement en enclaves résidentielles fermées est massive », estime Élisabeth Dorier, géographe et pilote de la recherche menée depuis sept ans par une équipe du Laboratoire population environnement développement (LPED). « Elle touche tous les types de logement – ancien, récent, individuel, collectif, luxueux ou très modeste – et tous les arrondissements de la ville. » 75 % des 1 550 résidences recensées se sont ainsi fermées depuis l'an 2000. Et aucun promoteur immobilier ne s'aventure, désormais, à proposer aux acheteurs un projet neuf sans l'étiquette « sécurisée ». Euphémisme pour accès contrôlés et frontières étanches.
D'ailleurs, Beauvallon va s'y mettre sans tarder. « Ce n'est qu'une question de temps », assure Michèle Potier, membre du conseil syndical et du comité d'intérêt de quartier. […] « Et pourquoi croyez‑vous qu'on demande la fermeture ? s'étonne Michèle Potier. Mais pour la sécurité, bien sûr ! Avec des portails automatiques, c'est plus difficile de voler une voiture ou de cambrioler une maison. »
[…] Centaines d'études de cas à l'appui, Élisabeth Dorier livre une analyse plus complexe : « Les causes de fermeture conjuguent plusieurs facteurs. La volonté d'entre‑soi, bien sûr, le malaise à proximité de grandes cités HLM, notamment dans des zones au Nord et à l'Est qui se sont ouvertes récemment à l'urbanisation… Mais c'est le besoin de sanctuariser des places de stationnement qui ressort en priorité, dans une ville où l'offre de transports publics est insuffisante. »