Pour ces jeunes engagés dans une trajectoire scolaire positive, je constate que la pratique de l'islam, ou éventuellement d'une autre religion, peut être structurante, ne serait‑ce que dans l'apprentissage de la gestion du temps quand l'institution ne le prend pas en charge. Elle leur permet en outre de continuer à se penser comme des êtres moraux : « Ce que je fais, c'est bien. Je suis dans le droit chemin. » Dans cette situation très difficile que constitue pour eux l'intégration dans l'enseignement supérieur, cela peut être une aide. Le problème est qu'ils sont en permanence confrontés au discours de l'institution et de leurs camarades sur la crainte de l'islam et la peur du fondamentalisme. Pourtant, la plupart du temps, ils en parlent très peu, même entre eux, et sont loin de faire du prosélytisme. Et là aussi, il faut prendre en compte l'évolution des jeunes dans le temps. Je pense à une étudiante très attachée à l'islam lorsqu'elle avait intégré Sciences Po. La religion, d'une certaine façon, lui avait permis de tenir le coup. Par la suite, grâce à Sciences Po, elle a effectué des voyages en Turquie et au Liban. À son retour, elle a pris beaucoup de recul dans sa relation à la religion, car elle a pu mesurer à quel point sa pratique de l'islam se différenciait de celle observée au Liban. Ce qui la fait tenir ici divise là-bas…