Ce 22 janvier, Cristiano Ronaldo a donc quitté le tribunal de Madrid avec 18,8 millions d'euros de moins sur son compte en banque. Soit le montant de l'amende auquel le Portugais a été condamné par la justice espagnole, pour avoir déclaré ses impôts sur ses droits à l'image aux îles Vierges britanniques et en Irlande. […]
« Il y a eu de grandes manifestations en Espagne contre le renflouement des banques, la spéculation, ça a décidé l'État à durcir la répression de la fraude fiscale », avance [le sociologue] Alexis Spire […], qui travaille depuis plusieurs années sur les inégalités sociales et les rapports ordinaires à l'État. Si les politiques de répression espagnoles se sont significativement renforcées, l'ensemble des condamnations prononcées à l'encontre des footballeurs leur épargne cependant la prison. Cristiano Ronaldo et Lionel Messi ont pourtant été condamnés à vingt‑trois et vingt‑et‑un mois de prison. Néanmoins, ces peines ne seront pas exécutées, comme c'est en général le cas en Espagne pour les condamnations inférieures à deux ans de prison ferme. […]
On peut dès lors se demander si la répression fiscale n'est pas un chouia trop tendre avec les footballeurs fraudeurs. Évidemment, la question ne se limite pas aux seuls joueurs de football, mais englobe toute une catégorie de citoyens suffisamment privilégiés pour recourir à des stratégies sophistiquées pour se soustraire à l'impôt. « C'est ce qu'on appelle la criminalité en col blanc, déroule Alexis Spire. Le terme a été inventé aux États‑Unis (white collar crime) pour désigner un phénomène ancien, celui des transgressions de la loi par les chefs d'entreprise. On a pu observer chez certaines personnes appartenant aux classes dominantes une tendance à mettre à distance la loi et à s'en affranchir, en se justifiant ainsi : leur principal argument est de reconnaître qu'il est normal qu'il y ait des règles pour réguler la société, mais que ces règles ne doivent pas être tout à fait les mêmes pour les gens exceptionnels, qui ont une compétence qui les distingue. […] » Paradoxalement, le régime que la loi française réserve aux fraudeurs fiscaux est – en théorie – salé : « Vous êtes passibles de cinq ans de prison si vous fraudez l'impôt, sept si vous faites ça en bande organisée », précise Alexis Spire. Mais en pratique, très rares sont ceux qui se retrouvent derrière les barreaux. « On peut constater que le problème ne vient pas de l'écriture de la loi, mais plutôt de son application et de l'image qu'on associe à ce délit particulier. En matière de fraude fiscale, je dirais qu'il y a parfois une vieille idée qui traîne dans la tête des juges, qui veut qu'une fois que vous avez payé vos amendes, vous êtes acquitté de votre dette envers la société. »