Y a-t-il dans les animaux quelque substance incorporelle qu'on puisse appeler âme sensitive1 ? On doit le rechercher expérimentalement, car c'est une question de fait. Il est certain
cependant, si je ne me trompe, que Dieu aurait pu créer quelque machine semblable à un
animal, faisant agir sans conscience toutes les fonctions, ou certainement, plusieurs de celles
que nous voyons chez les animaux. Ce qu'il aura fait, nul ne peut l'affirmer avec certitude
sans révélation. Mais qu'au contraire il y ait une âme sensitive chez les animaux, on ne peut
l'assurer non plus que si l'on cite des phénomènes inexplicables mécaniquement. Sans aucun
doute, si l'on me présente un singe qui joue de ruses et fait une guerre de voleur ou le jeu des
sacs, et même contre un homme et avec succès, je suis forcé d'avouer qu'il y a en lui quelque
chose de plus qu'une machine. Mais à partir de ce moment aussi, je commencerai à devenir
pythagoricien2et je condamnerai avec Porphyre3 la nourriture carnivore et la tyrannie exercée
par les hommes sur les animaux. Mais je ferai aussi des prévisions à l'égard des animaux sur
l'endroit où ils seront après la mort, car aucune substance incorporelle ne peut être détruite.
Notes de bas de page
1. C'est-à-dire une âme capable de sentir, de percevoir.
2. Les pythagoriciens croyaient en la réincarnation.
3. Porphyre est un lecteur de Plutarque, et il défend le végétarisme.