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Philosophie Terminale

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SECTION 1 • Le roseau pensant
Ch. 1
La conscience
Ch. 2
L’inconscient
Ch. 3
Le temps
Ch. 4
La raison
Ch. 5
La vérité
SECTION 2 • Le fils de Prométhée
Ch. 6
La science
Ch. 7
La technique
Ch. 8
L’art
Ch. 9
Le travail
SECTION 3 • L’animal politique
Ch. 10
La nature
Ch. 11
Le langage
Ch. 13
Le devoir
SECTION 4 • L’ami de la sagesse
Ch. 14
La justice
Ch. 15
La religion
Ch. 16
La liberté
Ch. 17
Le bonheur
Fiches méthode
Biographies
Annexes
Chapitre 12
Réflexion 1

Avons‑nous besoin d'être gouvernés ?

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Texte 1
La société politique n'est pas une grande famille

Texte fondateur

Pour Rousseau, les rapports familiaux ne sont pas un bon modèle pour construire la relation entre le peuple et les gouvernants.

 Comment le gouvernement de l'État pourrait‑il être semblable à celui de la famille dont le fondement est si différent ? [Le] pouvoir paternel passe avec raison pour être établi par la nature. Dans la grande famille dont tous les membres sont naturellement égaux, l'autorité politique purement arbitraire quant à son institution, ne peut être fondée que sur les conventions […]. Les devoirs du père lui sont dictés par des sentiments naturels, et d'un ton qui lui permet rarement de désobéir. Les chefs n'ont point de semblable règle, et ne sont réellement tenus envers le peuple qu'à ce qu'ils lui ont promis de faire, et dont il est en droit d'exiger l'exécution. Une autre différence plus importante encore, c'est que les enfants n'ayant rien que ce qu'ils reçoivent du père, il est évident que tous les droits de propriété lui appartiennent, ou émanent de lui. C'est tout le contraire dans la grande famille, où l'administration générale n'est établie que pour assurer la propriété particulière qui lui est antérieurea. Le principal objet des travaux de toute la maison, est de conserver et d'accroître le patrimoine du père, afin qu'il puisse un jour le partager entre ses enfants sans les appauvrir : au lieu que la richesse du fisc n'est qu'un moyen, souvent fort mal entendu, pour maintenir les particuliers dans la paix et dans l'abondance. En un mot la petite famille est destinée à s'éteindre, et à se résoudre un jour en plusieurs autres familles semblables : mais la grande [est] faite pour durer toujours dans le même état.
Jean‑Jacques Rousseau
Discours sur l'économie politique, 1758.

Aide à la lecture

a. L'une des missions de l'État est de garantir la propriété des individus qui le composent, mais il n'est pas lui‑même propriétaire.
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Rousseau - XVIIIe siècle

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Repères

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Question

La différence entre une famille et une société est‑elle de nature ou de degré ?
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Texte 2
Obéir aux lois pour ne pas servir un maître

Texte fondateur

Selon Rousseau, la loi nous oblige mais nous protège également. Le respect dû à la loi n'a donc rien de comparable à une relation de soumission, car le citoyen n'obéit qu'à la loi et non à celui qui en est le dépositaire. Par ailleurs, la loi garantit la liberté civile.

 Un peuple libre obéit, mais il ne sert pas ; il a des chefs et non pas des maîtres ; il obéit aux lois, mais il n'obéit qu'aux lois, et c'est pas la force des lois qu'il n'obéit pas aux hommes. Toutes les barrières qu'on donne dans les républiques au pouvoir des magistrats ne sont établies que pour garantir de leurs atteintes l'enceinte sacrée des lois : ils en sont les Ministres, non les arbitres, ils doivent les garder, non les enfreindre. Un peuple est libre, quelque forme qu'ait son gouvernement, quand dans celui qui le gouverne il ne voit point l'homme, mais l'organe de la loi. En un mot, la liberté suit toujours le sort des lois, elle règne ou périt avec elles ; je ne sache rien de plus certain.
Jean‑Jacques Rousseau
Huitième lettre écrite de la montagne, 1764.
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Rousseau - XVIIIe siècle

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Repères

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Question

Quelle est la différence entre obéir aux lois et servir un maître ?
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Focus

Platon : l'intérêt des lois

L'être humain est guidé par son désir et décide selon son intérêt propre. Il lui apparaît donc peu profitable de suivre l'intérêt général. Par conséquent, les lois servent à forcer les citoyens d'agir dans l'intérêt de l'ensemble de la communauté. C'est pourquoi, dit Platon dans les Lois, « les hommes doivent nécessairement établir des lois et vivre selon ces lois, sinon rien ne permet de les distinguer des bêtes les plus sauvages à tous égards. » En outre, même s'ils voulaient se conformer à l'intérêt général, les hommes devraient encore en acquérir la compétence. Platon indique ainsi : « Aucun être humain ne possède naturellement le don de connaître ce qui est le plus profitable aux hommes en tant que citoyens ; et même s'il le connaissait, il ne serait pas toujours en mesure de vouloir et de faire le meilleur. »
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Texte 3
Gouverner n'est pas diriger les conduites

L'État ne doit user de la contrainte et de la force que pour interdire ce qui est nuisible à autrui. Il n'a pas à intervenir sur les mœurs privées.

 La seule raison légitime que puisse avoir une communauté pour user de la force contre un de ses membres est de l'empêcher de nuire aux autres. Contraindre quiconque pour son propre bien, physique ou moral, ne constitue pas une justification suffisante. Un homme ne peut pas être légitimement contraint d'agir ou de s'abstenir sous prétexte que ce serait meilleur pour lui, que cela le rendrait plus heureux ou que, dans l'opinion des autres, agir ainsi serait sage ou même juste. Ce sont certes de bonnes raisons pour lui faire des remontrances, le raisonner, le persuader ou le supplier, mais non pour le contraindre ou lui causer du tort s'il agit autrement. La contrainte ne se justifie que lorsque la conduite dont on désire détourner cet homme risque de nuire à quelqu'un d'autre. Le seul aspect de la conduite d'un individu qui soit du ressort de la société est celui qui concerne les autres. Mais pour ce qui ne concerne que lui, son indépendance est, de droit, absolue. Sur lui‑même, sur son corps et son esprit, l'individu est souveraina.
John Stuart Mill
De la liberté, 1859, trad. L. Lenglet, © Éditions Gallimard, 1990.

Aide à la lecture

a. En limitant la souveraineté de l'État, l'auteur fait naître deux domaines distincts : le domaine public, du ressort de l'État, et le domaine privé, du ressort de l'individu.
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Mill - XIXe siècle

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Repères

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Question

À quelles conditions une contrainte est‑elle légitime ?
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Activité

Synthétisez les thèses du texte 1, du texte 2 et du texte 3, puis cherchez des exemples de lois qui vous libèrent et des exemples de lois qui semblent vous contraindre.
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Texte 4
La réalisation de la liberté dans et par l'État

L'homme ne perd pas une partie de sa liberté naturelle en vivant dans une société étatique. Au contraire, l'État est la condition de réalisation de la liberté au cours de l'histoire. La soumission aux lois est affirmation de liberté.

 Dans l'État, la liberté devient objective et se réalise positivement1. Cela ne signifie nullement que la volonté générale soit un moyen que la volonté subjective des particuliers utilise pour parvenir à ses fins et à la jouissance d'elle‑mêmea. Ce qui constitue l'État n'est pas une forme de vie en commun dans laquelle la liberté de tous les individus doit être limitée. On s'imagine que la Société est une juxtaposition d'individus et qu'en limitant leur liberté les individus font de sorte que cette limitation commune et cette gêne réciproque laissent à chacun une petite place où il peut se livrer à luimême. C'est là une conception purement négative de la liberté. Bien au contraire, le droit, l'ordre éthique, l'État constituent la seule réalité positive et la seule satisfaction de la liberté. La seule liberté qui se trouve réellement brimée est l'arbitraire, qui ne concerne d'ailleurs que la particularité des besoins. […] C'est seulement dans l'État que l'homme a une existence conforme à la Raisonb. Le but de toute éducation est que l'individu cesse d'être quelque chose de purement subjectif et qu'il s'objective dans l'État. L'individu peut certes utiliser l'État comme un moyen pour parvenir à ceci ou à cela. Mais le Vrai exige que chacun veuille la chose même (die Sache selbst) et élimine ce qui est inessentiel. Tout ce que l'homme est, il le doit à l'État : c'est là que réside son être. Toute sa valeur, toute sa réalité spirituelle, il ne les a que par l'État. […]

La liberté n'est pas un état naturel et immédiat, elle doit plutôt être acquise ou conquise par la médiation de l'éducation du savoir et du vouloirc. L'état de nature est plutôt l'état de l'injustice, de la violence, de l'instinct naturel déchaîné, des actions et des sentiments inhumains. La société et l'État imposent assurément des bornes, mais ce qu'ils limitent, ce sont ces sentiments amorphes, ces instincts bruts et plus tard les opinions et les besoins, les caprices et les passions que crée la civilisationd […] Ainsi on confond la liberté avec les instincts, les désirs, les passions, le caprice et l'arbitraire des individus particuliers et l'on tient leur limitation pour une limitation de la liberté. Bien au contraire, cette limitation est la condition même de la délivrance : l'État et la société sont précisément les conditions dans lesquelles la liberté se réalisee […]. L'individu se soumet aux lois, et sait qu'il trouve sa liberté dans cette soumission. C'est son propre vouloir qu'il retrouve dans ces lois. Il s'agit donc ici d'une unité voulue et consciente d'ellemême. L'indépendance des individus est donc réelle dans l'État car les individus agissent en connaissance de cause, c'est-à-dire opposent leur Moi à l'universel.
Georg Wilhelm Friedrich Hegel
La raison dans l'histoire, 1822, trad. K, Papaïoannou, © Pocket (Univers Poche), 2012.

Aide à la lecture

a. La volonté subjective est celle de l'individu, considérée dans sa particularité et sa différence par rapport à tous les autres. La volonté générale vise le bien public ou l'intérêt commun.
b. La raison est la faculté de se représenter des finalités dont la valeur est objective. Ces finalités valent en elles‑mêmes et pas seulement pour certains.
c. Une conception négative de la liberté définit celle‑ci comme le fait, pour chacun, de ne pas être empêché d'agir selon sa volonté subjective.
d. La société et l'État détruisent progressivement ce qui limite la liberté : instincts, pulsions, caprices.
e. Loin d'être l'ennemi de l'individu, l'État est le milieu dans lequel il accomplit ce qui donne sa valeur à l'existence humaine.

Notes de bas de page

1. La réalisation positive désigne une capacité consciente à agir pour le bien commun.
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Hegel - XIXe siècle

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Repères

  • Singulier / Particulier / Général / Universel
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Question

Pour Hegel, quel est le point commun entre « les instincts, les désirs, les passions, le caprice et l'arbitraire des individus particuliers » ?
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Commentaire

Il est d'usage de penser que les individus préexistent à la société et se rassemblent pour former une collectivité. Ils se donnent dans un second temps un État pour gouverner et administrer leur société.

Pour Hegel, il faut inverser le raisonnement : c'est grâce à l'État qu'une société civile peut se former sans être un simple agrégat d'individus. Dans ce cadre social qui permet des d'interactions et une liberté positive, chacun accomplit réellement son individualité.

Dans le monde naturel, la liberté n'existe pas. Tout est soumis à la nécessité et aux rapports de force. En l'homme, la nature s'exprime sous forme de besoins, d'instincts et de pulsions qui, lorsqu'il les éprouve, exigent de sa part une satisfaction immédiate. La somme des désirs et des envies, dont une part provient de notre nature sensible, caractérise chacun d'entre nous en propre et fait notre singularité. C'est ce que Hegel nomme volonté subjective. Cette dernière exprime alors la particularité de l'individualité : c'est ce qui différencie ou oppose un individu par rapport à un autre.

En agissant selon la loi, le citoyen s'oblige à mettre à distance sa volonté subjective pour se conformer à la volonté objective. Celle‑ci possède une valeur universelle, un intérêt pour l'ensemble de la communauté.

Toutefois, insiste Hegel, cette obligation n'implique pas de concession pour le citoyen : c'est par la conformation de sa volonté à la loi (droit) et aux règles sociales (mœurs) que l'individu accède à la liberté.

En effet, obéir aux obligations juridiques et sociales a un effet éducatif : le citoyen apprend à se libérer de ses pulsions, à ne plus agir dans l'immédiateté. Il acquière donc plus de maîtrise de lui‑même et se donne peu à peu les moyens de ses ambitions.

La volonté générale présente dans la loi devient en quelque sorte la sienne. Or, contrairement à la volonté subjective qui fait que l'être humain peut désirer une chose et son contraire à la fois, la volonté générale ne se contredit pas. Sans être parfaite, elle est rationnelle, donc objective. S'y soumettre, c'est gagner en liberté.
Schéma sur l'État
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Débat

L'État et la garantie des libertés

Selon la formule, la sécurité est la première des libertés. En effet, comment l'individu peut-il profiter de ses libertés s'il craint sans cesse pour ses biens et sa vie ? L'État assure la sécurité des citoyens grâce aux forces de l'ordre et à la justice dont la présence assure la dissuasion et dont l'action réprime les délits. Toutefois, au nom de la sécurité de tous, les libertés individuelles sont diminuées.
  • Question : Au motif de maintenir l'ordre public, est‑il légitime de suspendre une part des libertés politiques ?
  • Objectif : Porter la réflexion sur le bon dosage entre assurer la sécurité et préserver la liberté, et se demander si Benjamin Franklin a raison de dire : « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre, et finit par perdre les deux ». Vous pourrez vous appuyer sur des exemples, comme le droit de manifester ou d'exprimer une opinion contraire à celle des gouvernants.

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