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Philosophie Terminale

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SECTION 1 • Le roseau pensant
Ch. 1
La conscience
Ch. 2
L’inconscient
Ch. 3
Le temps
Ch. 4
La raison
Ch. 5
La vérité
SECTION 2 • Le fils de Prométhée
Ch. 6
La science
Ch. 7
La technique
Ch. 8
L’art
Ch. 9
Le travail
SECTION 3 • L’animal politique
Ch. 10
La nature
Ch. 11
Le langage
Ch. 13
Le devoir
SECTION 4 • L’ami de la sagesse
Ch. 14
La justice
Ch. 15
La religion
Ch. 16
La liberté
Ch. 17
Le bonheur
Fiches méthode
Biographies
Annexes
Chapitre 12
Exclusivité numérique

Anthologie complémentaire

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Cicéron
Les hommes accomplissent leur nature dans la politique

Selon Cicéron, les hommes sont naturellement disposés non seulement à vivre en collectivité mais à rechercher en commun la meilleure organisation politique possible.

 La nature a imposé si impérieusement aux hommes l'obligation de la vertu et leur a inspiré une telle passion pour défendre l'existence de la collectivité, que cette force-là a triomphé de tous les attraits de la volupté et du loisir. l ne suffit pas de posséder la vertu comme on peut connaître une technique sans l'utiliser ; une technique, même si on ne la pratique pas, on en garde la connaissance théorique ; la vertu au contraire consiste entièrement dans son application ; et son application la plus haute, c'est le gouvernement de la cité et la réalisation intégrale, en faits et non en paroles, des principes que ces gens-là proclament dans leurs coins.
Cicéron
De la République, Ier s. av. J.-C., trad. V. Poupin.
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Machiavel
Seules les républiques préservent le bien public

Pour Machiavel, seule la forme républicaine de l'État garantit la recherche du bien commun, contrairement au gouvernement d'un seul où l'intérêt du prince est souvent en opposition avec celui de la société.

 On découvre aisément d'où naît la passion d'un peuple pour la liberté. L'expérience prouve que jamais les peuples n'ont accru et leur richesse et leur puissance sauf sous un gouvernement libre. Et vraiment on ne peut voir sans admiration Athènes, délivrée de la tyrannie [...], s'élever en moins de cent ans à une telle grandeur. Mais plus merveilleuse encore est celle à laquelle s'éleva Rome après l'expulsion de ses rois. Ces progrès sont faciles à expliquer : c'est le bien général et non l'intérêt particulier qui fait la puissance d'un État ; et sans contredit on n'a vraiment en vue le bien public que dans les républiques : quoi que ce soit qui contribue à ce bien commun, on l'y réalise ; et si parfois on lèse ainsi quelques particuliers, tant de citoyens y trouvent de l'avantage qu'ils peuvent toujours passer outre à l'opposition du petit nombre des citoyens lésés.

 C'est le contraire qui se passe sous le gouvernement d'un prince : le plus souvent, son intérêt particulier est en opposition avec celui de l'État.
Nicolas Machiavel
Discours sur la première décade de Tite-Live, 1531, trad. J.-V. Périès.
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Montesquieu
Séparer les pouvoirs pour éviter d'en abuser

Dans ce texte, Montesquieu formule le principe désormais bien établi de la séparation des pouvoirs afin d'en prévenir et d'en limiter l'abus éventuel par ceux qui en détiennent une fraction par leur position dans l'appareil d'État.

 La démocratie et l'aristocratie ne sont point des États libres par leur nature. La liberté politique ne se trouve que dans les gouvernements modérés. Mais elle n'est pas toujours dans les États modérés ; elle n'y est que lorsqu'on n'abuse pas du pouvoir; mais c'est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser; il va jusqu'à ce qu'il trouve des limites…

 Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. […]

 Il y a dans chaque État trois sortes de pouvoirs: la puissance législative, la puissance exécutrice des choses qui dépendent du droit des gens, et la puissance exécutrice de celles qui dépendent du droit civil…Lorsque, dans la même personne ou dans le même corps de magistrature, la puissance législative est réunie à la puissance exécutrice, il n'y a point de liberté; parce qu'on peut craindre que le même monarque ou le même sénat ne fasse des lois tyranniques pour les exécuter tyranniquement.

 Il n'y a point encore de liberté si la puissance de juger n'est pas séparée de la puissance législative et de l'exécutrice. Si elle était jointe à la puissance législative, le pouvoir sur la vie et la liberté des citoyens serait arbitraire: car le juge serait législateur. Si elle était jointe à la puissance exécutrice, le juge pourrait avoir la force d'un oppresseur.

 Tout serait perdu, si le même homme, ou le même corps des principaux, ou des nobles, ou du peuple, exerçaient ces trois pouvoirs : celui de faire des lois, celui d'exécuter les résolutions publiques, et celui de juger les crimes ou les différends des particuliers.
Montesquieu
L'Esprit des lois, 1748.
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Spinoza
Le but de l'État est d'assurer la paix

Bien que les hommes ne soient pas naturellement bons, c'est l'État le premier responsable du niveau de violence et de conflictualité de la société. En effet, ayant pour finalité d'assurer la paix et la sécurité, leur absence trahit sa faillite.

 La condition d'un État se détermine aisément par son rapport avec la fin générale de l'État, qui est la paix et la sécurité de la vie. Par conséquent, le meilleur État, c'est celui où les hommes passent leur vie dans la concorde et où leurs droits ne reçoivent aucune atteinte. Aussi bien, c'est un point certain que les séditions, les guerres, le mépris ou la violation des lois doivent être attribués moins à la méchanceté des sujets qu'à la mauvaise organisation du gouvernement. Les hommes, en effet, ne naissent pas citoyens, ils le deviennent. Remarquez, d'ailleurs, que les passions naturelles des hommes sont les mêmes partout. Si donc le mal a plus d'empire dans tel État, s'il s'y commet plus d'actions coupables que dans un autre, cela tient très certainement à ce que cet État n'a pas suffisamment pourvu à la concorde, à ce qu'il n'a pas institué les lois avec assez de prudence, et par suite à ce qu'il n'est pas entré en pleine possession du droit absolu de l'État. En effet, la condition d'une société où les causes de sédition n'ont pas été supprimées, où la guerre est continuellement à craindre, où enfin les lois sont fréquemment violées, diffère peu de la condition naturelle où chacun mène une vie conforme à sa fantaisie et toujours grandement menacée.
Baruch Spinoza
Traité politique, 1675, trad. E. Saisset.
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Hobbes
Les hommes ne sont pas faits pour vivre ensemble

Hobbes récuse l'idée que les hommes seraient naturellement disposés à vivre ensemble. En effet, si c'était le cas, il n'aurait pas besoin de se donner une autorité supérieure (l'État) pour éviter et arbitrer les conflits.

 La plupart de ceux qui ont écrit touchant les républiques, supposent ou demandent, comme une chose qui ne leur doit pas être refusée, que l'homme est un animal politique, zôon politikon, selon le langage des Grecs, né avec une certaine disposition naturelle à la société. Sur ce fondement‑là ils bâtissent la doctrine civile ; de sorte que pour la conservation de la paix, et pour la conduite de tout le genre humain, il ne faut plus rien sinon que les hommes s'accordent et conviennent de l'observation de certains pactes et conditions, auxquelles alors ils donnent le titre de lois. Cet axiome, quoique reçu si communément, ne laisse pas d'être faux, et l'erreur vient d'une trop légère contemplation de la nature humaine. Car si l'on considère de plus près les causes pour lesquelles les hommes s'assemblent, et se plaisent à une mutuelle société, il apparaîtra bientôt que cela n'arrive que par accident, et non pas par une disposition nécessaire de la nature. En effet, si les hommes s'entr'aimaient naturellement, c'est‑à‑dire, en tant qu'hommes, il n'y a aucune raison pourquoi chacun n'aimerait pas le premier venu, comme étant autant homme qu'un autre ; de ce côté‑là, il n'y aurait aucune occasion d'user de choix et de préférence. Je ne sais aussi pourquoi on converserait plus volontiers avec ceux en la société desquels on reçoit de l'honneur ou de l'utilité, qu'avec ceux qui la rendent à quelque autre. Il en faut donc venir là, que nous ne cherchons pas de compagnons par quelque instinct de la nature ; mais bien l'honneur et l'utilité qu'ils nous apportent ; nous ne désirons des personnes avec qui nous conversions, qu'à cause de ces deux avantages qui nous en reviennent.
Thomas Hobbes
Du Citoyen, 1642, trad. P. Crignon, © Flammarion, 2010.
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Schopenhauer
L'État a besoin du recours à la force

Le droit sans la force n'est rien. L'État ne pourrait pas faire respecter le droit sans la menace du recours à la force. Le texte fait écho à la définition de Max Weber : l'État a le monopole de la violence légitime.

 Le droit en lui-même est impuissant ; par nature règne la force. Le problème de l'art de gouverner, c'est d'associer la force et le droit afin qu'au moyen de la force, ce soit le droit qui règne. Et c'est un problème difficile si l'on songe à l'égoïsme illimité logeant dans presque chaque poitrine humaine, alors qu'au départ chacun a le droit de dire à l'autre : « Je vaux bien autant que toi ! ». Tout bien pesé, on peut être surpris qu'en général le monde suive son cours de façon aussi paisible et tranquille, légale et ordonnée, comme nous le voyons ; seule la machine de l'État produit ce résultat.

 En effet, il n'y a que la force physique qui puisse avoir un effet immédiat. Constitués comme ils le sont en général, c'est par elle seule que les hommes sont impressionnés, et pour elle seule qu'ils ont du respect. Si pour s'en convaincre par expérience on supprimait toute contrainte et si l'on leur demandait de la façon la plus claire et la plus persuasive d'être raisonnables, justes et bons, mais d'agir contrairement à leurs intérêts, l'impuissance des seules forces morales deviendrait évidente et la réponse à notre attente serait le plus souvent un rire de mépris. La force physique est donc la seule capable de se faire respecter. Mais cette force réside originellement dans la masse, où elle est associée à l'ignorance, à l'injustice et à la stupidité. Dans des conditions aussi difficiles, la première tâche de l'art de gouverner est de soumettre la force physique à l'intelligence, à la supériorité intellectuelle, et de les leur rendre utile.
Arthur Schopenhauer
Parerga et Paralipomena, 1851, trad. A. Dietrich.
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Tocqueville
L'égalité sociale n'implique pas la liberté politique

Tocqueville nous met en garde en établissant le constat que l'égalité à l'intérieur de la société civile est tout à fait compatible avec l'existence d'un État restreignant les libertés.

 L'égalité peut s'établir dans la société civile, et ne point régner dans le monde politique. On peut avoir le droit de se livrer aux mêmes plaisirs, d'entrer dans les mêmes professions, de se rencontrer dans les mêmes lieux ; en un mot, de vivre de la même manière et de poursuivre la richesse par les mêmes moyens sans prendre tous la même part au gouvernement.

 Une sorte d'égalité peut même s'établir dans le monde politique, quoique la liberté politique n'y soit point. On est l'égal de tous ses semblables, moins un, qui est, sans distinction, le maître de tous, et qui prend également, parmi tous, les agents de son pouvoir.

 Il serait facile de faire plusieurs autres hypothèses suivant lesquelles une fort grande égalité pourrait aisément se combiner avec des institutions plus ou moins libres, ou même avec des institutions qui ne le seraient point du tout.

 Quoique les hommes ne puissent devenir absolument égaux sans être entièrement libres, et que par conséquent l'égalité, dans son degré le plus extrême, se confonde avec la liberté, on est donc fondé à distinguer l'une de l'autre.
Alexis de Tocqueville
De la Démocratie en Amérique, 1835.
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Arendt
La notion de Raison d'État

Confronté à la nécessité d'assurer sa survie, un État peut justifier ses propres violations des principes juridiques au nom d'un droit de type supérieur : le droit à l'existence. Aucune autre autorité ou institution n'est fondée à lui dénier ce droit.

 Selon [la théorie de la Raison d'État], les actes de l'État, qui est responsable de la survie d'un pays et partant, des lois qui la garantissent, ne sont pas soumis aux mêmes règles que les actes des citoyens du pays. De même que l'État de droit, conçu pourtant afin d'éliminer la violence et la guerre de tous contre tous, a toujours besoin des instruments de la violence pour assurer sa propre existence, de même, un gouvernement peut se trouver dans l'obligation de commettre des actes qui sont généralement considérés comme des crimes afin d'assurer sa propre survie et celle de la légalité. […] La raison d'État fait appel à la nécessité – à tort ou à raison selon les cas –, et les crimes d'État commis en son nom (qui sont pleinement criminels en regard du système juridique en vigueur dans le pays où ils se produisent) sont considérés comme des mesures d'exception, des concessions faites aux exigences de la Realpolitik1 (1) afin de préserver le pouvoir et, partant, la pérennité de l'ensemble de l'ordre légal existant. Dans un système politico-juridique normal, ces crimes constituent des exceptions à la règle et ne sont pas passibles de châtiments parce qu'il y va de l'existence de l'État même, et qu'aucune entité politique extérieure à l'État n'a le droit de dénier à celui‑ci son droit à l'existence, ni de lui prescrire la façon de la préserver.
Hannah Arendt
Eichmann à Jérusalem. Rapport sur la banalité du mal, © Éditions Gallimard, 1963.

Notes de bas de page

1. Désigne la prise en compte des exigences de la réalité avant celles des principes.
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Spinoza
La finalité de l'État est la liberté

Le but de l'État n'est pas de civiliser les hommes, mais d'assurer leur liberté de corps et d'esprit. Il s'agit d'abord d'affirmer que la première des libertés est de pouvoir user de sa raison, il s'agit donc de la liberté de pensée qui n'équivaut pas à la liberté de rébellion.

 La fin de l'État n'est pas de faire passer les hommes de la condition d'êtres raisonnables à celle de bêtes brutes ou d'automates, mais au contraire il est institué pour que leur âme et leur corps s'acquittent en sûreté de toutes leurs fonctions, pour qu'eux-mêmes usent d'une raison libre, pour qu'ils ne luttent point de haine, de colère ou de ruse, pour qu'ils se supportent sans malveillance les uns les autres. La fin de l'État est donc en réalité la liberté. [Et], pour former l'État, une seule chose est nécessaire : que tout le pouvoir de décréter appartienne soit à tous collectivement, soit à quelques-uns, soit à un seul. Puisque, en effet, le libre jugement des hommes est extrêmement divers, que chacun pense être seul à tout savoir et qu'il est impossible que tous opinent pareillement et parlent d'une seule bouche, ils ne pourraient vivre en paix si l'individu n'avait renoncé à son droit d'agir suivant le seul décret de sa pensée. C'est donc seulement au droit d'agir par son propre décret qu'il a renoncé, non au droit de raisonner et de juger ; par suite nul à la vérité ne peut, sans danger pour le droit du souverain, agir contre son décret, mais il peut avec une entière liberté opiner1 et juger et en conséquence aussi parler, pourvu qu'il n'aille pas au-delà de la simple parole ou de l'enseignement, et qu'il défende son opinion par la raison seule, non par la ruse, la colère ou la haine.
Baruch Spinoza
Traité théologico-politique, 1670, trad. C. Appuhn.

Notes de bas de page

1. Exprimer son approbation ou sa désapprobation.
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Bayle
La tolérance est un facteur de paix

Contre l'idée commune qu'une seule religion serait un facteur de paix dans un État, Bayle prône la tolérance religieuse, seule capable de conduire à une émulation visant le bien.

 Il n'y a pas dit-on de plus dangereuse peste dans un État que la multiplicité des religions, parce que cela met en dissension les voisins avec les voisins, les pères avec les enfants, les maris avec les femmes, le prince avec ses sujets. Je réponds que bien loin que cela fasse contre moi, c'est une très forte preuve pour la tolérance ; car, si la multiplicité des religions nuit à un État, c'est uniquement parce que l'une ne veut pas tolérer l'autre, mais l'engloutir par la voie des persécutions. Hinc prima mali labes1 , c'est là l'origine du mal. Si chacun avait la tolérance que je soutiens, il y aurait la même concorde dans un État divisé en dix religions que dans une ville où les diverses espèces d'artisans s'entresupportent mutuellement. Tout ce qu'il pourrait y avoir, ce serait une honnête émulation à qui plus se signalerait en piété, en bonnes mœurs, en sciences, chacun se piquerait de prouver qu'elle est la plus amie de Dieu, en témoignant un plus fort attachement à la pratique des bonnes œuvres ; elles se piqueraient même de plus d'affection pour la patrie, si le souverain les protégeait toutes, et les tenait en équilibre par son équité. Or il est manifeste qu'une si belle émulation serait cause d'une infinité de biens ; et par conséquent la tolérance est la chose du monde la plus propre à ramener le siècle d'or, et à faire un concert et une harmonie de plusieurs voix et instruments de différents tons et notes, aussi agréable pour le moins que l'uniformité d'une seule voix. Qu'est-ce donc qui empêche ce beau concert de voix et de tons si différents l'un de l'autre ? C'est que l'une des deux religions veut exercer une tyrannie cruelle sur les esprits, et forcer les autres à lui sacrifier leur conscience ; c'est que les rois fomentent cette injuste partialité, et livrent le bras séculier aux désirs furieux et tumultueux d'une populace de moines et de clercs ; en un mot, tout le désordre vient non pas de la tolérance, mais de la non‑tolérance.
Pierre Bayle
Commentaire philosophique sur ces paroles de Jésus-Christ « Contrains-les d'entrer », 1686.

Notes de bas de page

1. « C'est ainsi que j'ai commencé à glisser dans le malheur », Virgile, Enéide, II, 97.
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Stirner
L'individu est assujetti par l'État

Selon Max Stirner, l'État est par définition un organe de surveillance et de contrainte. La place qu'il laisse aux individus n'est qu'une apparence de liberté.

 L'État laisse autant que possible les individus jouer librement, pourvu qu'ils ne prennent pas leur jeu au sérieux, et ne le perdent pas de vue, lui, L'État. Il ne peut s'établir d'homme à homme de relations qui ne soient inquiétées sans surveillance d'une intervention supérieure. Je ne puis pas faire tout ce dont je serais capable, mais seulement ce que L'État me permet de faire ; je ne puis faire valoir ni mes pensées, ni mon travail, ni en général rien de ce qui est à moi.

 L'État ne poursuit jamais qu'un but : limiter, enchaîner, assujettir l'individu, le subordonner à une généralité quelconque. Il ne peut subsister qu'à condition que l'individu ne soit pas pour soi‑même dans le tout ; il implique de toute nécessité la limitation du moi, ma mutilation et mon esclavage. Jamais L'État ne propose de stimuler la libre activité de l'individu : la seule activité qu'il encourage est celle qui se rattache au but que lui-même poursuit. [...] L'État cherche par sa censure, sa surveillance et sa police, à enrayer toute activité libre ; en jouant ce rôle de bâton dans les roues, il croit (avec raison d'ailleurs, car sa conservation est à ce prix) remplir son devoir. L'État veut faire de l'homme quelque chose, il veut le façonner ; aussi l'homme, en tant que vivant dans L'État, n'est‑il qu'un homme factice ; quiconque veut être soi-même est adversaire de L'État et n'est rien. » Il n'est rien signifie : « L'État ne l'utilise pas, ne lui accorde aucun titre, aucune commission, etc. ».
Max Stirner
L'unique et sa propriété, 1845.
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Foucault
La guerre est le moteur de l'État

Toute organisation politique est bâtie par une histoire. Elle a ses vicissitudes et ses violences desquelles émergent les lois, l'État livre une lutte incessante contre ce qui s'oppose à lui et cherche à le détruire. Lutter pour affirmer ses valeurs ou ses choix, voilà en quoi consiste la guerre incessante qui traverse la société. La paix n'est donc que la façade derrière laquelle il nous faut lire : « le passé oublié des luttes réelles, des victoires effectives ».

 Contrairement à ce que dit la théorie philosophico‑juridique, le pouvoir politique ne commence pas quand cesse la guerre. L'organisation, la structure juridique du pouvoir, des États, des monarchies, des sociétés n'a pas son principe là où cesse le bruit des armes. La guerre n'est pas conjurée. D'abord, bien sûr, la guerre a présidé à la naissance des États : le droit, la paix, les lois sont nés dans le sang et la boue des batailles. Mais par là il ne faut pas entendre des batailles idéales, des rivalités telles que les imaginent les philosophes ou les juristes : il ne s'agit pas d'une sorte de sauvagerie théorique. La loi ne naît pas de la nature, auprès des sources que fréquentent les premiers bergers ; la loi naît des batailles réelles, des victoires, des massacres, des conquêtes qui ont leur date et leur héros d'horreur : la loi naît des villes incendiées, des terres ravagées ; elle naît avec les fameux innocents qui agonisent dans le jour qui se lève.

 Mais cela ne veut pas dire que la société, la loi et l'État soient comme l'armistice dans ces guerres, ou la sanction définitive des victoires. La loi n'est pas pacification, car sous la loi, la guerre continue à faire rage à l'intérieur de tous les mécanismes de pouvoir, même les plus réguliers. C'est la guerre qui est le moteur des institutions et de l'ordre : la paix, dans le moindre de ses rouages, fait sourdement la guerre. Autrement dit, il faut déchiffrer la guerre sous la paix : la guerre, c'est le chiffre1 même de la paix. Nous sommes donc en guerre les uns contre les autres ; un front de bataille traverse la société tout entière, continûment et en permanence, et c'est ce front de bataille qui place chacun de nous dans un camp ou dans un autre. Il n'y a pas de sujet neutre. On est forcément l'adversaire de quelqu'un.
Michel Foucault
Il faut défendre la société, 1976, EHESS, 1997

Notes de bas de page

1. Ce par quoi on mesure la paix.

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